Cahier automne

Sylvain et Luc : deux artistes à la campagne

Situé en pleine campagne, le centre d’art et de nature Atelier Auckland à Saint-Isidore-de-Clifton rayonne de par les frontières du Haut-Saint-François. Les dynamiques propriétaires et artistes, Sylvain Dodier et Luc Pallegoix, font en sorte que ce petit coin de pays, en apparence, isolé, soit devenu l’épicentre d’un séisme culturel et artistique qui ne cesse de se développer.

Nos deux artistes font la démonstration, au quotidien, qu’il est possible de mener des carrières professionnelles épanouies en région, au Québec et en France simultanément, et ce, à partir de la campagne. Sylvain Dodier, écrivain, poète, médiateur culturel et artiste multidisciplinaire et Luc Pallegoix, illustrateur, créateur d’images virtuelles fixes ou animées, photographe et peintre notamment avec la technologie numérique, développent leur art simultanément avec le centre d’art et de nature.

La mise en commun des deux artistes remonte en novembre 2001 lors d’une rencontre à l’Agora de la danse à Montréal. « On s’était déjà rencontré à l’Agora », de mentionner Luc. À cette époque, ce dernier était directeur général et producteur pour la compagnie de danse Nathalie Pernette, tandis que Sylvain était adjoint à la direction artistique de l’Agora de la danse et directeur du Service d’action culturelle, poste qu’il a cumulé de 1993 à 2003. « On était au top de nos carrières et on voulait faire un premier projet ensemble. On s’est dit : on va faire un truc qu’on n’arrêtera pas ou que les conseils d’administration n’arrêteront pas », d’exprimer les deux artistes engagés. « On a commencé par un spectacle pour enfants en 2004, le show J’aime. » Par la suite, les projets se sont succédé, le magazine numérique J’@ime… express, le lancement du site SylvainEtLulu.com, dont sa popularité au Québec et en France a tenu nos artistes en haleine de 2006 à 2012. Puis à travers les animations dans les écoles et autres occupations professionnelles, s’ajoutent l’atelier en résidence ainsi que le centre d’art et de nature toujours en développement. Tout au long de cette période, nos artistes ont tout de même poursuivi leur carrière solo multipliant les navettes Québec-France.

Il arrive parfois que le hasard fasse bien les choses même si la situation peut sembler triste au préalable. Alors que le couple cherchait un local à Montréal, Sylvain Dodier, originaire de Saint-Isidore-d’Auckland, revient au bercail en raison de l’état de santé de son père. « Je suis revenu au foyer familial, mais je me suis installé dans le garage. On avait transformé le garage en atelier numérique et on dormait dans le garage », mentionne-t-il.

Comme tout artiste, nos deux comparses avaient une vision et un rêve pour le développement de leur art. Dans cette perspective, ils ont amorcé en 2008 une transformation du commerce qui abritait autrefois Aubaines chez Marcel. L’ancienne quincaillerie est devenue le loft ainsi qu’un atelier pour Luc et un autre pour Sylvain. La partie abattoir s’est métamorphosée en grand studio numérique tandis que la salle des moteurs et la boutique de vêtements sont devenues la résidence où on accueille les artistes.

« L’année 2012-2013 en est une charnière. Les gens viennent ici et ça confirme l’idée pour nous qu’on voulait faire une résidence, offrir un atelier pour artistes », d’exprimer avec détermination Sylvain et Luc. Le concept est d’offrir un atelier et toutes les accommodations nécessaires pour accueillir un artiste. Ils jouent en quelque sorte un rôle de mentor et puisent à travers leur vaste expérience professionnelle pour conseiller et appuyer l’artiste dans sa démarche artistique et l’atteinte de ses objectifs.

Situé en pleine nature, dans un décor paisible et reposant, le centre fait rêver les visiteurs. Sylvain et Luc ont prêté l’oreille aux demandes de leurs collègues artistes : « Pourquoi vous recevez pas ici ? » D’où l’idée de développer le centre d’art et la nature qui l’entoure. Pour nos artistes, l’effet n’est que bénéfique. Ils y puisent l’énergie et l’inspiration. « On a toujours les meilleures idées ici », précisent-ils. Les installations, le loft et le studio permettent d’adapter les lieux pour accueillir une exposition, présenter un mini-spectacle ou même pour des réunions. Le centre d’art et de nature est déjà lancé, on y a présenté trois expositions au cours des quatre dernières années et ce n’est pas terminé. Déjà, plusieurs artistes ont eu l’opportunité de s’y produire. L’idée d’ouvrir les portes et de faire un genre d’apéro 5 à 7 les vendredis au cours de la dernière saison estivale a permis de faire connaître l’endroit et créer un lieu de rendez-vous pour artistes et toute la population désireuse de faire de belles découvertes. Nos artistes ont commencé à développer le côté jardin, toujours en y présentant des œuvres d’art et n’ont pas l’intention de s’arrêter là. « On prépare le volet art, nature, culture. On essaie de voir dans quelle culture on va basculer. » Ils entendent bien utiliser une bonne partie des 75 acres disponibles pour développer un concept particulier. Le côté boisé, à leurs yeux, demeure un lieu où les artistes aimeraient travailler. L’idée de sentiers artistiques germe dans l’esprit de nos créateurs. « On pourrait y mettre des œuvres d’art », réfléchissent-ils à voix haute. Il n’y a pas de limites à leur imagination. « C’est un concept en évolution. C’est la même approche qu’en création. Il faut laisser le temps au temps. Ç’a joué sur mon écriture », précise Sylvain Dodier. Heureux et pleinement épanouis, nos artistes se plaisent à dire qu’ils ont développé l’art de vivre. Simultanément à tout cela, Sylvain fait des animations par vidéoconférences pour la France, crée des recueils de poésie sur écran blanc avec des élèves dans les écoles alors que Luc y produit les illustrations sur iPad. À l’image de son collègue, Luc ne chôme pas, la série de photos pour adultes qu’il a développée Les hommes cerfs, les ectomorphes connaissent un vif succès. « Si je n’avais pas habité ici, les gars n’auraient pas eu de tête de chevreuil. Si j’étais resté à Montréal, je n’aurais pas eu cette inspiration. »

Toute cette effervescence n’empêche pas nos artistes de s’intéresser à leur communauté de diverses façons. D’ailleurs, ils ont créé, il y a quelques années, le Fonds permanent en littérature jeunesse en mettant des centaines de livres à la bibliothèque municipale, particulièrement des livres jeunesse. Ce faisant, la bibliothèque municipale est une des mieux fournies en livres pour enfants sur le territoire. « C’est important de redonner au village », manifestent-ils.

Même s’ils sont pleinement épanouis, ils ne sont pas cloitrés pour autant. Le côté jet set, comme se plait à dire Sylvain Dodier, est toujours présent. Cela ne les empêche pas de faire une escapade à Montréal, Sherbrooke ou ailleurs, mais la quiétude du domicile les rappelle rapidement. Pour Sylvain et Luc, « être artiste n’est pas un travail, c’est une nature avec un statut social. Pour nous, c’est possible d’être à la campagne et de mener une carrière. C’est notre capacité à s’adapter, à transformer ce qu’on n’a plutôt que d’espérer ce qu’on n’a pas », de conclure tout souriant nos artistes.

Article précédentArticle suivant
©2024 Journal Le Haut-Saint-François