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La scie mécanique a-t-elle un avenir ? (1 de 2)

Oui ! La scie mécanique est un outil de base multiple en éclaircie précommerciale que ce soit (avec la débroussailleuse), en foresterie urbaine (arboriculture), en acériculture (dégagement de tiges prometteuses), en élagage, pour «faire du ménage» dans son boisé, pour récolter et débiter son bois de chauffage (et en vendre au voisin cash), pour des besoins personnels en bois d’œuvre, pour récolter un bois à des fins spécifiques (lutherie). Elle est également un outil pour «faire une vanne» de bois à pâtes ou de sciage sans être exigeant sur le prix net du bois en regard de l’effort, du temps et de l’investissement consentis ou encore «faire sa vanne» sur une superficie ne répondant pas aux conditions opérationnelles d’une multi, pour le strict plaisir de partager du travail en forêt avec parents et amis. Rappelons que de sérieuses études temps-mouvement ont chronométré qu’un «bûcheux» expérimenté, faisant littéralement corps avec sa machine, pouvait empiler de trois à cinq cordes 4 x 4 x 8 au chemin quotidiennement. On comprend alors le puissant apport calorique de la cuisine de bûcheron; l’épicerie sera en conséquence.

Un travail exigeant, des propriétaires vieillissants
Mais bûcher, c’est un travail dangereux et énergivore ! Lever la main ceux et celles qui n’ont jamais eu d’accidents ou d’incidents forestiers avec blessures, si minimes soient-elles. Et avec l’âge, l’endurance a ses limites; bien sûr, on évoquera le gaillard de 60 ou 70 ans qui abat, débite, charge et empile sa corde de 4 x 4 x 8 sapin-épinette en moins de temps qu’il n’en faut pour préparer son chantier du jour. Le profil du propriétaire forestier, version 2012 (étude de la FPFQ) http://www.foretprivee.ca/wp-content/uploads/2013/01/Enquête-propriétaires-forestiers-2012.pdf révélait que l’âge moyen dudit propriétaire était de 55 ans. Quel est son âge en 2017 ? Sûrement pas pour participer à des olympiades forestières, d’autant plus que seulement 53 % de propriétaires sondés sont motivés pour la production de bois de pâte et de sciage et que cette même production de bois arrive au 7e rang des valeurs du propriétaire… en petite forêt privée. Si vous possédez 1 000 acres de forêt, c’est une autre histoire.

Un compte de banque bien provisionné
Mais qu’en coûte-t-il au propriétaire actif pour exploiter lui-même sa forêt, disons de 75 à 150 acres ? À vos calculatrices ! Deux scies mécaniques, bottes, vêtements, casques, gants (selon les standards CNESST), outils, tracteur adapté, chargeur, fuel, huile hydraulique et graisses, chaînes et câbles et autres indispensables = + de 30 000 $ ! Et comme on ne laisse pas ces précieux équipements au grand air en périodes inactives un atelier-garage s’impose ! Et les assurances ? Le lot a-t-il été financé aux trois quarts de sa valeur marchande par la Financière ? Et les chemins, les traverses de ruisseaux ? L’arpentage s’il en est ? Les taxes foncières ? La technique (conseiller forestier) et la comptabilité (impôt, subventions, remboursement). Et pour rehausser son statut de forestier actif, un pick-up 4 x 4 ragaillardit autant l’image que l’orgueil ! Aussi, pourquoi pas un camp forestier rustique ? Un forestier hyperactif a besoin de repos.

La passion d’abord
Bref, un lot à bois et une scie mécanique mènent loin dans la dépense et l’investissement. Faut être passionné. Certains diront qu’ils préfèrent «bûcher une vanne» que se défoncer dans le golf. À chacun ses valeurs. La scie mécanique a sans conteste son utilité et génère des agréments multiplicateurs; son attractivité et son espérance de vie comme outil sylvicole sont prometteuses; Canadian Tire, Rona et autres Home Depot en sont convaincus. La vôtre est-elle fin prête pour le prochain traitement forestier ou la prochaine vanne ? Ah oui ! Un oubli : votre lot est certainement giboyeux puisque vous avez opté pour aménagement forêt-faune. Ajoutez le coût de votre premier chevreuil.

Jean-Paul Gendron

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