Cahier automne

Atelier Les Becs-Scie : Mettre son canot sur son testament

Nous apercevons Jocelyne Giroux et Serge Lemay, propriétaires de l’Atelier Les Becs-Scie.

« Ce qui est intéressant avec ces canots-là, c’est qu’on peut les mettre dans notre testament parce que ça dure des années, voire des siècles si c’est bien entretenu ! », mentionne Jocelyne Giroux, copropriétaire de l’Atelier Les Becs-Scie, situé à Bury. Avec son conjoint, Serge Lemay, ils ont démarré récemment cette entreprise de restauration et fabrication de canots entoilés.

Une passion qui vient de loin
Leur passion pour ces embarcations remonte à plusieurs années. Mme Giroux pratique ce sport depuis l’âge de 9 ans, alors qu’elle était dans les scouts. Pour M. Lemay, ça remonte aussi au début de l’adolescence.
Lorsque les propriétaires se sont rencontrés, ils ont vite réalisé leur intérêt commun. « On a rencontré un homme qui avait un moule et ça m’avait tellement surpris, impressionné. Je me suis dit, un jour, je vais faire des canots. Ça fait 26 ans de ça ! », exprime Mme Giroux. Elle en a longtemps parlé avec son conjoint, du fait qu’elle voulait faire la fabrication de ce type d’embarcation, mais le moment n’était pas propice. En 2018, lorsque M. Lemay a suivi son cours de lancement d’entreprise, sa conjointe voulait faire de même, mais n’avait pas d’idée concrète à développer. C’est finalement en 2019 qu’elle s’est décidée à mettre en œuvre son projet de longue date. « Ça faisait longtemps que j’en parlais. Quand j’ai décidé de prendre mon cours, j’ai dit : moi je le prends là-dedans. Il a dit : Ok, on va partir ça », explique-t-elle.

Enseignante de formation, elle commence à se retirer tranquillement et suit présentement un cours en comptabilité. Un domaine qu’elle pourra mettre à profit dans l’entreprise.

Une pratique ancestrale
Le canot de bois a été inventé il y a très longtemps. Il a toujours eu une place très importante auprès des premières nations. Adapté à son environnement et fabriqué à partir de matériaux indigènes, il doit sa réussite principalement grâce à sa légèreté et sa facilité d’entretien. Le modèle de type entoilé est une adaptation moderne de celui en écorce. « Ces canots-là sont souvent fabriqués depuis longtemps, mais on peut tout restaurer », souligne-t-elle. « Ça se répare à l’infini », ajoute M. Lemay.

Plusieurs étapes sont nécessaires à sa restauration. Les entrepreneurs expliquent qu’il faut d’abord le «déshabiller» en retirant les différents morceaux. « On va le décaper, le sabler et le huiler. On doit regarder quelles pièces il y a à changer », mentionne la propriétaire.

L’artisan ajoute qu’un des avantages du canot entoilé, c’est qu’il peut être réparé n’importe quand, n’importe où. « T’es en expédition, tu peux le réparer avec un morceau de bouleau qui est dans le bois que tu vas gosser à la hache. Il ne sera pas beau, mais il va t’amener jusqu’à ton point d’arrivée. » Le fond est fait de cèdre, surtout parce que c’est un matériel imputrescible, donc il ne pourrit pas.

Puisque ce type d’embarcation existe depuis longtemps et qu’il peut être restauré à plusieurs reprises, il est possible pour les gens du métier de devoir travailler sur des pièces qui ont été construites il y a plus d’une centaine d’années. « Avec le gars qui m’a initié à ça, la réparation et la fabrication, le plus vieux canot que j’ai eu l’occasion de travailler dessus, il avait 137 ans! C’était en 96-97 environ, alors le canot avait été bâti en 1880 et quelques, 1870 peut-être », raconte le copropriétaire.

Mais d’où vient la clientèle?
À l’ère des réseaux sociaux, il est maintenant plus facile de se faire connaître à plus grande échelle. Parce contre, même si les demandes peuvent provenir d’un peu partout, les propriétaires veulent privilégier les clients de la région concernant la portion restauration de canot, principalement pour éviter les coûts de transport. Cependant, lorsque l’entreprise va s’agrandir, ils ne rejettent pas l’idée d’exporter ailleurs au Canada. Toutefois, pour l’instant, « Ça va rester artisanal. Ça va être du sur-mesure, c’est du personnalisé et c’est quelque chose qui est important pour nous, de rester, pas petit, mais de rester personnel avec le client », explique-t-il.

Un nom avec une signification particulière
Le nom de l’entreprise, Atelier Les Becs-Scie, n’a certainement pas été choisi au hasard. Le bec-scie est l’un des plus grands canards du Québec, aussi appelé Grand Harle. « C’est un oiseau aquatique, un canard aquatique, ça rappelle donc le canot, à cause de l’eau et la nature. Dans Becs-scie, il y a le mot scie qui représente l’atelier d’ébénisterie et le mot bec qui représente le couple. L’image choisie, c’est deux becs-scie, un mâle et une femelle. » En choisissant ce nom, le couple voulait également faire un clin d’œil à leur ami qui possédait une boutique de plein air spécialisé dans le canoë-camping appelé Le Huard et de qui ils ont appris le métier.

Selon M. Lemay, la partie restauration risque de prendre une plus grande place dans l’entreprise que la fabrication. « Même si tu veux fabriquer des canots, c’est plus la restauration qui va te faire vivre. Parce que la fabrication, ton canot est neuf, dans les cinq premières années, à moins qu’il t’arrive une bad luck, t’auras pas besoin de venir me revoir. » Malgré tout, ils aimeraient bien pouvoir profiter de l’hiver pour fabriquer de nouvelles embarcations et faire les restaurations durant les autres saisons.

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