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Cantons-de-l’Est ou Estrie : Point de vue du président des Townshippers

Gerald Cutting

Gerald Cutting, président des Townshippers, rappelle l’importance de l’histoire quand vient le temps de changer des noms de villes ou de territoires.

La tradition, l’histoire et l’appartenance à un territoire prennent toute une valeur pour les anglophones des Cantons-de-l’Est. Ainsi pourrait-on résumer leur opinion sur ce sujet riche en discussion. Gerald Cutting, président des Townshippers, croit que ce qui oppose les promoteurs de l’appellation Cantons-de-l’Est à ceux qui défendent le concept Estrie ne tient qu’à une seule périphrase. Il s’agit de la distinction qui existe entre les aspects juridiques et commerciaux d’une part et l’histoire transmise au sein de la population d’une large région qui s’étend grossièrement des comtés de Brome-Missisquoi et Yamaska à celui de Mégantic, d’autre part.
M. Cutting s’enorgueillit d’appartenir à une famille arrivée avec Jacques Cartier et qui occupe les Cantons-de-l’Est depuis huit générations. Comme porte-parole des Townshippers, il considère que le nom Estrie sert à l’administration, à la manière de celle des MRC tandis que Cantons-de-l’Est rappelle les aléas d’une vaste bande de terre qui fut divisée en « carrés » par les Britanniques en 1792.
Dans les médias anglophones, quand on parle des Cantons-de-l’Est, « ça donne tout de suite une lumière, ah oui !, je sais au juste où je suis dans cette province », avance-t-il pour justifier l’usage de ce terme. « À l’Association des Townshippers, on considère que notre territoire est l’ancienne appellation des Cantons-de-l’Est, c’est un territoire aussi grand que la Baie James. »
M. Cutting siège au CA du CIUSSS de l’Estrie – CHUS. « Je représente les anglophones sur le CIUSSS de l’Estrie et quand on parle de l’Estrie, les gens qui sont dans la Montérégie ou tout près de Mégantic, Asbestos, eux autres sont pas tout à fait à l’aise parce qu’ils considèrent comme si nous sommes dans la Montérégie, nous ne sommes pas dans l’Estrie. » Et il s’interroge. « Pourquoi, dans ce grand établissement, ils représentent tout ce grand territoire qui ne correspond pas à un ensemble plus réaliste comme la Montérégie [et les autres divisions territoriales qui constituent cette grande région] ? »
« Quand on parle des Cantons-de-l’Est, on comprend tout de suite qu’il s’agit d’un grand territoire, quand on parle de l’Estrie ou de la Montérégie, c’est pas tout à fait la même idée que ça donne, surtout quand on parle de l’industrie touristique. » Pour lui, l’inclusion au grand territoire historique passe par les noms Townships et Cantons-de-l’Est et l’administratif se joue dans la cour des divisions territoriales internes. « Dans le milieu anglophone, l’Estrie ne rend pas compte de cette étendue territoriale. »
Dans l’esprit des gens, le concept de génération prend tout son sens. Les plus âgés ont connu les Cantons-de-l’Est alors que les plus jeunes parlent de l’Estrie. Et la capitale pour ces derniers est Sherbrooke. Pour l’exemple, il rappelle la fusion des villes périphériques à celle de Sherbrooke. « Lennoxville [pour les plus vieux], c’est la ville avec son conseil d’administration, tandis que pour les moins de 35 ans, c’est à la fois Lennoxville et Sherbrooke. Pour la prochaine génération, ils ne parleront plus que de Sherbrooke. L’histoire n’est pas un sujet valorisé à l’école », se plaint-il.
« Si c’est pour attirer les touristes, ce serait à eux autres [les organismes porteurs du dossier] à prendre une décision, mais c’est fort possible que ce soit une décision à 50 % juste », craint-il. Quand on remplace le nom d’une entreprise par un nouveau, ça entraîne des dépenses. « Quand on commence à changer des appellations, ça va coûter des sous. Et là, les gens deviennent sur la défensive. Ça ne se fait pas facilement, c’est très émotif, on a l’impression de perdre le contrôle », a-t-il constaté au fil des ans. La joute territoriale qui se joue en ce moment peut ressembler « à un pas en arrière. »
Un bémol teinte toutefois sa synthèse sur ce changement de nom. « Est-ce que ça va avoir une meilleure compréhension de notre histoire ou est-ce que ça sera un meilleur véhicule pour attirer les gens dans notre région ? », jongle-t-il. Il n’y a pas, semble-t-il, de réponse toute faite à cette question.
Le temps ! Le temps aplanit bien des conflits. C’est sur ces « mots de sagesse » que Gerald Cutting clôt l’entrevue.

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