La détresse psychologique, dont le suicide, étant d’importants combats d’actualité, des agricultrices de partout en Estrie se sont dotées de moyens pour briser l’isolement et discuter de sujets s’apparentant à leur réalité quotidienne. Elles se sont réunies à Saint-Isidore- de-Clifton pour cette journée spécialement conçue et pensée pour elles. Une première, qui a obtenu la participation d’une cinquantaine de femmes venues des quatre coins de la région.
L’invitation lancée par le comité organisateur de l’UPA Estrie a rejoint des femmes d’aussi loin que Valcourt, Coaticook, Bonsecours et Wotton. Audrey Turgeon, en production laitière, à même la municipalité hôte et au CA du Syndicat de l’UPA Estrie, y participait également. Elles ont profité de cette journée pour s’outiller et échanger sur des sujets préoccupants, au cœur de leurs débats quotidiens. Yolaine Lemire, présidente du conseil d’administration (C.A.) de l’UPA Estrie est la pionnière de cette initiative. « L’optique de cette journée d’information est de donner des trucs pour améliorer la gestion, de valoriser la profession et discuter de la détresse psychologique », mentionne-t-elle. « Le monde est épuisé, un agriculteur sur deux au Québec vit avec la détresse psychologique, c’est notre cheval de bataille », exprime Mélanie Beauregard, vice-présidente au CA de l’UPA Estrie. Outiller les femmes tel leur apprendre à prendre du recul, la capacité à demander de l’aide, à trouver des solutions, « parce qu’au bout du compte, peu importe le drame, il faut continuer », lance Mme Beauregard.
On parle de plus en plus de stress, de dépression et de suicide en agriculture. Un agriculteur québécois sur deux souffre d’un niveau élevé de détresse psychologique, selon les recherches. « Ça étonne beaucoup qu’un producteur sur deux vit avec la détresse, le suicide est présent, juste cette semaine on a eu deux cas », exprime François Bourassa, président de la Fédération de l’UPA Estrie. Il rêve d’augmenter les effectifs féminins dans les instances et encourage les implications comme celle-ci. « Il faut encourager ça », lance-t-il.
Au programme, des conférencières et différents panels animaient la salle. Josée Godbout, de Drive-Leadership et Coaching, a élaboré son discours sur le sujet de la culpabilité et du syndrome de l’imposteur. Permettre de démystifier, de découvrir des solutions afin que le public ait un bagage de trucs concrets définissait l’ensemble de son allocution. Jessica Mackey nous amenait à faire du ménage dans nos priorités. Elle a élaboré sur le sujet toujours très actuel de comment gérer son temps pour gérer son stress.
« L’ennemi numéro un de la femme est souvent elle-même, parce qu’à la base une femme est très exigeante envers elle-même, c’est typiquement féminin de vouloir performer », exprime le président de l’UPA, soulignant que les hommes ont généralement la capacité de remettre certaines tâches. C’est bien connu, la gent féminine excelle, elle vit mal avec le laisser-aller. « Les femmes sont bataillantes, c’est dans nos gènes », lance Mélanie Beauregard qui ne parle pas au travers de son chapeau. Vivant à fond la caisse, Mme Beauregard est maman de trois garçons de 13-12 et 10 ans, tous joueurs de hockey, dont elle-même. Citoyenne de Valcourt, ses deux plus vieux vont à l’école à Magog. Pour elle, faire la route entre Valcourt, Magog, Sherbrooke et partout où les sports et le travail les amènent, constamment, est juste de la normalité. De plus, elle et son conjoint sont en production laitière et font la culture des fourrages nécessaires pour leur troupeau et élèvent eux-mêmes leurs sujets de remplacement. Elle est sur le conseil d’administration des agricultrices de l’Estrie, siège au Syndicat local de l’UPA et est aussi déléguée pour le lait, de quoi être essoufflé ! C’est une femme débordante d’énergie et combien actuelle en cette époque moderniste de performance ! Impliquée, Mme Beauregard clame l’importance de savoir s’entourer de personnes de confiance et avoir un bon réseau, le tout semble faire partie des ingrédients pour garder la forme physique et mentale.
Dans l’optique souhaitée de partager les expériences et de conjurer le sort des gens qui ont subi des traumatismes et sont parvenus à se reconstruire, la psychologue Annie Jeanson a animé une discussion ouverte. Avec à ses côtés, Carole Chassé ayant vécu le suicide de son fils et Lynne Martel-Bégin dont son fils est atteint du cancer.
Mme Martel-Bégin, vice-présidente à la Fédération de l’UPA Estrie, productrice laitière et maman, a livré, tel un livre ouvert, devant l’assemblée toute ouïe, son propre témoignage, des plus touchants. Comme le souhaitent bien des parents, le jour est venu de passer le flambeau à leur progéniture. Malheureusement, le sort est tombé sur sa famille et elle et son conjoint ont dû reprendre les reines. Leur fils, aux prises avec la maladie du siècle: le cancer, apportant sur son sillage bien des soucis, engage Mme Martel-Bégin dans une lutte continuelle de tiraillement et de tourments. Le courage de cette femme tenace est remarquable. « On est dans le bateau donc on rame », lance-t-elle. François Bourassa témoigne avec émotion: « Je voulais absolument y assister comme président de l’UPA pour leur donner mon appui, c’est important. » La vice et la présidente des agricultrices ont ensemble souligné « On est une communauté tissée serrée même si on est loin en distance, il faut continuer, on est dépendant de notre profession ! »
Les agricultrices de l’Estrie réunies pour s’outiller
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