Gaétan Barrette, Ministre de la Santé et des Services sociaux
Jacques Fortier, Patricia Gauthier et Denis Beaulieu du CIUSS de l’Estrie – CHUS
Marie Rinfret, Protectrice du citoyen
Madame, Monsieur,
Comme je ne sais à qui m’adresser, j’ose me confier à vous que je considère susceptible de partager la responsabilité d’une telle aberration et ou surtout en position d’y apporter certains correctifs.
Mon ami, victime d’une maladie coronarienne artéro-sclérotique (MCAS), est actuellement hospitalisé au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke en attente d’un triple ou d’un quadruple pontage coronarien. Nous en sommes à sa treizième journée de calendrier en attente de sa chirurgie. Il cote 3 sur une échelle de 5 pour sa priorité d’accès à la salle d’opération pour une chirurgie cardiaque. Le code 1 est réservé aux patients devant être opérés d’urgence, dans les 24-48 heures, et le code 5 est attribué, quant à lui, aux patients pouvant attendre deux ou trois mois à la maison. Un des médecins traitants du département nous a révélé que la durée moyenne d’attente pour un patient cotant 3 comme c’est le cas pour mon ami se chiffre à neuf jours ouvrables excluant, bien sûr, les fins de semaine et les jours fériés. De plus, selon un autre médecin de l’équipe soignante, sept de ses patients se retrouveraient, au même moment, dans la même situation.
Voilà la situation aberrante sur laquelle vous devriez, je crois, vous pencher de toute urgence. Pourquoi ? En premier lieu parce que votre rôle, au-delà des préoccupations budgétaires, est de penser d’abord aux patients de notre système de santé et à la qualité des soins à laquelle ils ont droit. On ne peut certes pas dire qu’une attente aussi longue pour autant de patients améliore la qualité des soins qui doivent leur être dispensés. Imaginez l’état dans lequel ils doivent «patienter», inquiets face à la sévérité de la maladie, fébriles dans l’attente d’une date, stabilisés quant aux symptômes de la maladie, condamnés à la lecture et aux mots croisés pendant de longues heures pour d’interminables journées, prisonniers à qui l’on interdit, le plus souvent, de quitter l’unité ne serait-ce que pour changer de décor de temps à autre et pour se délier les jambes un tant soit peu.
L’autre raison pour laquelle vous devez intervenir relève de la saine gestion des fonds publics. Mon ami, pour sa seule attente de sa chirurgie cardiaque, coûte à l’État la modique somme de 800 $ par jour de calendrier. Je ne suis pas fort en chiffres, encore moins économiste, mais il me semble que cette modique somme se transforme indubitablement en montants faramineux incompatibles avec une saine gestion des fonds publics:
9 jours ouvrables d’attente en moyenne + au moins deux jours de calendrier, fin de semaine non comprise dans les 9 jours ouvrables
x 800 $ par jour x 7 patients = 61 600 $
Le patient n’est toujours pas opéré, 20 000 $,
il n’a pas encore séjourné aux soins intensifs, 2 000 $ par jour,
et il n’obtiendra son congé de l’unité coronarienne que cinq ou sept jours plus tard.
On peut supposer que la même situation se répète une bonne quinzaine de fois par année. Donc,
61 600 $ x 15 = 924 000 $ x le nombre d’autres spécialités touchées par une situation semblable x le nombre d’hôpitaux qui vivent le même cauchemar dans la province…
= ??? ??? $
Vous êtes davantage en mesure que moi de chiffrer les économies que le système pourrait générer si…
Aujourd’hui, nous avons appris que mon ami ne sera pas opéré avant le 1er juin, soit dans neuf autres jours de calendrier. Il aura donc attendu sa chirurgie cardiaque, si aucun report n’intervient, vingt jours de calendrier au total pour un montant supplémentaire de 61 600 $ excédant la moyenne de neuf jours ouvrables d’attente…
Jusqu’à quel point améliorerait-on la situation, en chirurgie cardiaque, du moins, Si on utilisait les salles d’opération plus tard que 16 h les jours ouvrables ? Si les chirurgies du matin qui doivent parfois s’étirer plus avant que les trois heures prévues initialement ne signifiaient plus l’annulation des chirurgies d’après-midi ? Si on embauchait le personnel nécessaire, chirurgiens, anesthésistes, personnel infirmier et de soutien pour ce faire ? Si on utilisait, pour ce faire toujours, les 924 000 $ et plus économisés parce que l’attente en serait diminuée d’autant ? Si le nombre de lits ainsi libérés permettait davantage de désengorger les salles d’urgence ?
Finalement, je ne peux passer sous silence les inconvénients pour les proches de ces mêmes patients qui doivent se taper des allers-retours à l’hôpital pour soutenir les leurs avec tout ce que ça signifie d’inquiétude, de temps perdu et de frais au chapitre, par exemple, de l’essence, du stationnement, des repas, des collations, etc. qu’ils ne devraient pas avoir à assumer juste parce que leurs proches ne peuvent avoir accès à la chirurgie que nécessite leur état. Pour vous aider à faire le calcul, si on ne s’arrête qu’à l’aspect financier du problème, sachez que, dans mon cas, j’habite à 60 kilomètres de l’hôpital où mon ami «patiente» en attendant sa chirurgie.
J’ose espérer que vous prendrez en considération ces quelques remarques dans l’élaboration de correctifs pour solutionner le problème. Celui-ci relève davantage, selon plusieurs, du manque de personnel et d’une organisation du travail défaillante.
J’ose également espérer une réponse à la présente, autre qu’un simple accusé-réception et vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs,
Claude-Gilles Gagné, Weedon
P.S. Ne touchez surtout au personnel en place : il est extraordinaire