Un nouveau guide pour la forêt estrienne

Jean-Paul Gendron

L’Agence de mise en valeur de la forêt privée de l’Estrie (AMFE) vient de publier en ligne son nouveau Plan de protection et de mise en valeur (PPMV) de la forêt en misant sur le bien-être collectif, l’équilibre écologique et la prospérité économique.
Le volumineux document de plus de 400 pages est destiné dans un premier temps aux propriétaires forestiers. Ceux-ci sont au nombre de 9200 sur le territoire de l’Estrie, dont 3200 dans le Haut-Saint-François. Également, de nombreux organismes à vocation environnementale et écologique ont pour référence le PPMV. Par exemple, le Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire (PRDIRT), publié en 2011 par la Conférence régionale des élus (CRÉ) de l’Estrie, se basait grandement sur le plan de protection de l’AMFE. Autrement, aménagistes, écologistes, conseillers et exploitants forestiers recourent abondamment à l’ouvrage.

L’AMFE est un organisme à but non lucratif institué en septembre 1996 en vertu de la Loi sur les forêts et a pour mandat d’orienter et de développer la mise en valeur de la forêt privée de son territoire. Pour remplir son mandat, l’agence dispose de deux principaux outils, soit en premier lieu, le Plan de protection et de mise en valeur de la forêt privée (PPMV), qu’elle doit élaborer et mettre en œuvre, de même qu’un programme d’aide financière. Ce dernier permet d’offrir aux propriétaires de boisés un soutien technique et financier aux activités sylvicoles concourant à la protection de leur forêt. L’AMFE s’appuie sur la concertation de quatre partenaires régionaux fondateurs pour réaliser son mandat: le monde municipal, les représentants des propriétaires forestiers, l’industrie forestière et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

Un premier PPMV avait été publié par l’AMFE en 2002. Celui-ci était mis à jour en continu depuis ce temps, mais le besoin d’une nouvelle version s’imposait avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information, l’accroissement des exigences environnementales et l’avancement des connaissances forestières. Les valeurs citoyennes ont aussi grandement évolué ces 40 dernières années. Celles-ci sont désormais davantage portées sur la conservation, les loisirs et l’investissement à long terme. C’est pourquoi, en partant des constats établis dans le premier PPMV de 2002, la version 2017 vient actualiser le portrait des aptitudes et caractéristiques forestières du territoire régional. Elle repositionne le cadre de gestion et d’aménagement du milieu forestier en fonction d’objectifs nouveaux et ajustés à l’utilisation durable des écosystèmes, à la gestion intégrée des ressources et à leur protection. Les valeurs guidant l’élaboration du document demeurent celles de bien-être collectif, d’équilibre écologique et de prospérité économique, le tout dans une perspective de développement durable.

Remettre la forêt à l’avant-plan

Le président de l’AMFE, Jean-Paul Gendron, est catégorique: « la forêt est l’élément dominant du paysage estrien, mais elle demeure méconnue. » Celui-ci se réjouit que la conscience forestière collective prenne du mieux depuis les dernières décennies, mais le Québec demeure tout de même en retard face à ses voisins, par exemple les États du Vermont et du New Hampshire. « Eux, c’est depuis le 18e siècle qu’ils s’occupent de leurs forêts ! Tu vois la différence quand tu traverses la frontière et que tu roules sur l’autoroute. » Il rappelle qu’historiquement le Haut-Saint-François a toujours eu une vocation d’exploitation forestière. Les scieries étaient nombreuses et les rivières servaient au flottage du bois. Depuis, la forêt reprend le dessus et évolue autant en termes de superficie que de qualité. Il reste tout de même du chemin à faire et le public général doit être mis de la partie. M. Gendron estime que 70 % du tourisme de la région est relié de près ou de loin à la forêt: paysages, sentiers, chasse, motoneige, VTT, etc. Néanmoins, celle-ci est rarement mise à l’avant-plan. « Dans les médias, on va généralement parler de la forêt du point de vue écologique ou des usagers », considère le président de l’AMFE. « Par exemple, là on va être dans la période de la flambée des couleurs. Il demeure que les forestiers que sont les propriétaires, les organismes d’aménagement et les entreprises de transformation se vendent mal. »

Ainsi, bien que la forêt soit l’élément dominant du paysage estrien, celle-ci est à 90 % privée. Outre les grands propriétaires terriens, comme la Domtar avec ses 40 000 hectares dans le Haut-Saint-François, le propriétaire forestier estrien typique possède une superficie moyenne de 94 hectares. Celui-ci n’a généralement pas la production et la vente de bois commercial comme motivation première. Il utilise plutôt ses terres pour récolter du bois de chauffage, chasser ou même aménager la forêt. Bien que peu connu du grand public, l’aménagement forestier est pratiqué par 44 % des propriétaires privés et atteint 50 % de la superficie privée dans la région. C’est là que l’AMFE entre de nouveau en jeu par l’intermédiaire de son programme d’aide financière qui a vu se réaliser des travaux sylvicoles sur plus de 65 850 hectares sur une période de 15 ans.

Cette forme d’entretien est nécessaire pour que puissent se poursuivre des activités récréotouristiques, sportives et industrielles sur le long terme dans nos forêts. C’est aussi de cette manière que l’Estrie se classe année après année dans le peloton de tête des régions qui mettent du bois en marché. Ainsi, c’est grâce à la mise en application des différents PPMV des Agences de mise en valeur de la forêt en Estrie et ailleurs que le Québec est reconnu à l’échelle mondiale pour la qualité et la diversité de sa forêt, pour la gestion durable exemplaire qu’il en fait ainsi que les produits et les services de haute qualité qu’il en tire.

Il est possible de consulter le Plan de protection et de mise en valeur de la forêt privée de l’Estrie et son résumé au www.agenceestrie.qc.ca.

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Jean-Marc Brais
Jean-Marc oeuvre dans les médias communautaires depuis 2013. Il a été journaliste pour le Haut-Saint-François de 2017 à 2019. Il est de retour au Journal depuis 2024.
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