La Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) a récemment accueilli un nouveau membre dans ses rangs. Il s’agit de Steve Côté, producteur de sirop d’érable, de Newport, avec qui la Fédération a connu de nombreux démêlés au cours des dernières années. Cela ne laisse plus à l’organisation syndicale qu’un dossier de récalcitrants dans la région : celui de l’érablière Gaudreau, à Scotstown.
« C’était pas le gun sur la tempe, mais bien proche. Le couteau sur la gorge, mettons ! » C’est en ces mots que M. Côté décrit la seule avenue qui s’offrait à lui. La Fédération s’apprêtait à légiférer après que la Cour suprême du Canada n’ait pas voulu entendre la cause du producteur acéricole. « Ils saisissaient tout puis ils vendaient. C’était assez déclencheur ! Ils ont des hypothèques légales sur tout ce que j’ai », se désole M. Côté.
Celui-ci a été condamné par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec à payer une amende de 421 000 $ pour avoir lui-même vendu en vrac son sirop d’érable sans passer par la FPAQ. L’entente qu’il a prise avec cette même fédération demeure confidentielle. « Tout ce que je peux dire, c’est que c’est pas mal plus que 400 000 $ », souffle-t-il. « S’ils m’avaient pogné à faire pousser du pot, ça m’aurait couté bien moins cher que ce que ça me coute là. On se fait assommer avec des amendes astronomiques. C’est assez spécial. »
L’acériculteur de Newport n’est pas pour autant sorti de l’auberge tant qu’il n’a pas remboursé la totalité des centaines de milliers de dollars qu’il doit à la Fédération. C’est pour cette raison qu’il cherche à vendre son entreprise. « Tant que c’est pas fini de payer, ils ont encore un droit dessus. Le seul moyen de venir à bout de tout payer ça, bien il faut que je vende. C’est ça ou la faillite. »
Advenant cette possibilité, M. Côté quitterait la province, mais pas la profession d’acériculteur. « Si je peux vendre, je vais peut-être pouvoir aller m’installer ailleurs, puis là, je vais pouvoir vendre mon sirop ici légalement. C’est ça la beauté du système. Si je produisais en Ontario, je pourrais venir vendre mon sirop ici sans aucun problème. J’aurais rien à payer à personne, puis tout serait légal. Mais moi ici, je le produis au Québec, mais j’ai pas le droit de le vendre. C’est un système assez totalitaire. On est aussi bien d’aller s’installer ailleurs. »
FPAQ
Jonathan Blais est le représentant régional pour le Haut-Saint-François de la FPAQ et se dit satisfait de l’issue du conflit. « Notre mission, c’est pas d’en faire disparaitre [des producteurs]. On s’est voté des lois au Québec pour améliorer notre situation collectivement dans le sirop d’érable, puis ça a porté fruit. On est 15 000 à adhérer. C’est sûr que, comme dans la société, il y aura toujours des récalcitrants puis des gens réfractaires. »
En tant que nouveau membre, Steve Côté a assisté à la rencontre régionale de la Fédération qui a réuni 200 producteurs et productrices à la salle Guy-Veilleux de Cookshire-Eaton, au début octobre. « C’était une bonne nouvelle », exprime M. Blais. « J’ai vu Steve dans la salle qui participait, donc on était bien content de le voir parmi nous. J’étais content de voir que finalement, il avait joint les rangs. On vient de consolider quand même, contre son gré peut-être, une entreprise à St-Mathias. Pour l’avenir, c’est une bonne nouvelle pour St-Mathias. Il crée de l’emploi. Puis pour notre région aussi. »
Érablière Gaudreau
À quelques kilomètres de là, Daniel Gaudreau et Nathalie Bombardier, de l’érablière Gaudreau de Scotstown, ne jettent pas l’éponge face à la FPAQ et continuent de livrer bataille. Le couple a deux procès à venir devant la Cour supérieure l’année prochaine. Les sommes des amendes en jeu dépassent le million de dollars. « C’est de l’usure à long terme qu’ils nous font subir [la FPAQ] », affirme M. Gaudreau. « Il faut être convaincu quand tu t’embarques dans une guerre comme ça parce que ça coute de l’argent, ça coute du temps… Ça coute cher dans tout. »
Celui qui a subi 35 saisies de sirop d’érable la saison dernière dit comprendre le geste de Steve Côté. « Il avait comme pas le choix. Ils l’ont mis à bout, puis il a réglé de force. » Sa conjointe et partenaire d’affaires, Nathalie Bombardier, subit également de la pression de la part de son employeur, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), pour ses positions anti-fédération.
Celle-ci a été condamnée à cinq jours de suspension pour ses apparitions médiatiques et ses activités sur les réseaux sociaux en tant qu’acéricultrice ayant des démêlés avec la FPAQ. Elle attend ces jours-ci sa seconde sentence pour, entre autres, ne pas avoir obtempéré à retirer des mentions J’aime sur Facebook, faites à partir de son compte personnel.