Un roc, un pic, un cap ? Non, une péninsule forestière !

Faire de la forêt une priorité est un combat de tous les jours pour Jean-Paul Gendron, président de l’Agence de mise en valeur de la forêt privée de l’Estrie. « Il faut que la culture forestière imprègne le discours politique et les aspirations sociales. Il faut que les gens soient fiers de leur forêt. »

Qu’on se le dise, aux niveaux technique et économique, la forêt se porte passablement bien dans le Haut-Saint-François. La MRC est la deuxième région estrienne en termes de production et de superficie boisées, après sa voisine du Granit. Des entrepreneurs, transporteurs et transformateurs des produits du bois ont leurs installations à même la région ou tout près. Néanmoins, il manquerait la «petite coche» de plus. Que la forêt devienne un enjeu stratégique porté par nos élus.

En faire une priorité
Depuis l’abolition des Conférences régionales des élus (CRÉ) en 2016, M. Gendron n’a pas retrouvé la préoccupation de mettre la forêt de l’avant. Il constate que, même du côté de la Table des MRC de l’Estrie, la question ne fait pas partie des enjeux stratégiques de la région au niveau des ressources naturelles. Il estime que les producteurs, agriculteurs et forestiers pouvaient faire valoir leurs points à l’époque des CRÉ. Aujourd’hui, seule une poignée d’élus locaux sont sensibles à la cause.

« Comment ça se fait que le bois comme matériau et que la forêt qui le produit ne reçoivent pas plus de reconnaissance et de noblesse ? », se désole Jean-Paul Gendron. Celui-ci s’étonne toujours que le matériau ne soit pas systématiquement inclus dans la construction des nouveaux bâtiments publics, comme le Centre communautaire de Johnville. Même étant une région forestière, le Haut-Saint-François traine de la patte face à d’autres endroits de la province et d’outre-mer. Bien qu’en retard, même la Ville de Sherbrooke s’apprête à mettre en application la Charte du bois du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs pour accroitre l’utilisation du bois dans la construction.

Outre ses avantages esthétiques et même psychologiques, les intérieurs et structures en bois contribuent à la lutte aux gaz à effet de serre en séquestrant, ou conservant, une grande quantité de carbone. Il s’agirait simplement d’une mentalité ou d’un réflexe à adopter.

À la hausse
Cette meilleure intégration du bois dans notre quotidien passe aussi par un meilleur accès à la matière. Aux yeux de M. Gendron, il y a un dysfonctionnement de la gestion de la forêt privée. À l’heure actuelle, une forme d’embourgeoisement prend place dans les campagnes. On note une augmentation du nombre de retraités qui s’achètent un lot, se construisent une propriété et font augmenter la valeur foncière des environs.

Bien que l’occupation du territoire et la revitalisation des régions sont loin d’être mauvaises en soi, il demeure qu’une pression supplémentaire est mise sur les jeunes qui aimeraient également être propriétaires terriens. Un lot boisé de qualité passable débute aux environs de 1000 $ par acre. Un jeune sortant des bancs d’école ne peut envisager sérieusement d’acheter de grandes superficies et de vivre de l’exploitation forestière.

C’est pourquoi se dessine la tendance des petites superficies dans le domaine agroforestier. On peut penser au Jardinier déchainé à Cookshire-Eaton ou encore aux Maraîchers de l’or vert à Sawyerville comme exploitations sur petites surfaces à succès.

Pas juste pour bucher
Sinon, parmi les propriétaires de petits lots boisés, une majorité en possède par pur plaisir, pour raisons récréatives. L’exploitation ou la rentabilisation de leurs terres ne viennent qu’en bout de ligne de leurs valeurs et intérêts. Il n’en demeure pas moins que le bois récolté à l’heure actuelle ne représente que la moitié du volume qui pousse annuellement dans les forêts estriennes. Une grande part de capital dort en quelque sorte au lieu d’être utilisée comme levier économique.

Les débouchés se font aussi de plus en plus nombreux. Si l’on pense à la forêt «mécanique» qui produit du bois destiné aux scieries, la forêt agricole, et même chimique, commence à poindre le bout de son nez. Un récent inventaire réalisé par Cultur’Innov démontre que le Haut-Saint-François possède un potentiel fort intéressant en termes de produits forestiers non ligneux (PFNL) comme les champignons, noix et fougères. De même, des entreprises comme Enerkem à Westbury développent des biocarburants à partir de poteaux usagés et de matières résiduelles.

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Jean-Marc oeuvre dans les médias communautaires depuis 2013. Il a été journaliste pour le Haut-Saint-François de 2017 à 2019. Il est de retour au Journal depuis 2024.
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