Le président du Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec, André Roy, s’est adressé aux membres avant de céder la parole au président de l’assemblée, Hugues Beaudoin.
Les producteurs forestiers contre le projet de mise en marché collective du bois de sciage sapin-épinette défendu par le Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec ont réussi à faire élire 14 des 15 délégués lors de l’assemblée de secteur, le Haut-Saint-François. Ces personnes représenteront le secteur lors de l’assemblée générale annuelle du Plan conjoint et du Syndicat.
Contrairement à d’autres assemblées de secteurs, celle du Haut-Saint-François s’est déroulée dans l’ordre et le respect. Il était clair que les tenants du pour et du contre avaient fait leur devoir en prévision du vote. Résultat évident, l’assistance est passée de 35 personnes, l’année dernière, à plus de 160 personnes réunies à la salle communautaire de Johnville lundi passé. Chaque partie a déposé sa liste de 15 personnes qui ont été soumises au vote secret. Selon le président de l’assemblée, Hugues Beaudoin, ce ne sont pas toutes les personnes habilitées qui se sont prévalues de leur droit de vote, mais 145 ont signifié leur préférence. De ce nombre, trois bulletins ont été rejetés. La majorité des voix a été en faveur des délégués contestant le projet. Par contre, la situation est inverse quant au choix des quatre substituts. Trois d’entre eux étaient pour le projet contre un en désaccord.
Satisfaction
Le président de l’Association de défense des producteurs forestiers, Daniel Duteau, groupe s’opposant au projet, qui participait à la rencontre à titre d’observateur, était évidemment satisfait du résultat. Outre l’assemblée dans le Haut-Saint-François, les opposants avaient également obtenu une majorité de délégués dans les autres assemblées de secteurs précédents. « On va espérer que ça continue dans les autres assemblées. » Faire obstacle au projet n’est pas la seule raison qui motive M. Duteau. « Le but, c’est par les délégués, rectifier le déséquilibre au niveau du conseil d’administration. On aimerait bien pouvoir faire de quoi par rapport aux règlements. Si on est majoritaire cette année, M. Roy (président du Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec) n’aura pas le choix de mettre notre proposition à l’étude. » M. Duteau et les membres de son groupe dénoncent le fait que la majorité des administrateurs, six sur huit, précise-t-il, soient également administrateurs de groupements forestiers. Sans le dire ouvertement, il laisse entendre que ça ressemble à du conflit d’intérêts. La proposition qui avait été rejetée, dit-il, visait à modifier la composition des membres du conseil d’administration pour une règle de ⅓ entrepreneurs forestiers, ⅓ propriétaires et un autre tiers pour les petits propriétaires.
Quant au projet, M. Duteau dit craindre que l’histoire se répète. « Quand on a perdu le 4 pieds, on a connu un favoritisme terrible en faveur des groupements forestiers, ça nuisait aux petits producteurs et aux entrepreneurs. » Ce dernier craint également que le syndicat dirige le bois, même s’il prétend le contraire. « Les membres de l’Association des camionneurs dirigeraient le bois seulement aux acheteurs choisis par le syndicat. » Le projet de mise en marché collective du bois de sciage sapin-épinette résineux pour le Plan conjoint du Sud du Québec a été adopté en assemblée générale spéciale le 9 novembre 2017. Il fait l’objet de contestation devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Les opposants sont principalement les industriels, dont Domtar inc., le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) et des entrepreneurs forestiers. Les séances devraient se compléter en mai prochain. La régie rendra sa décision au cours des prochains mois.
Président
Le président du Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec, André Roy, ne cache pas que le choix des délégués n’est pas ce qu’il aurait souhaité, mais admet que ce n’est pas surprenant dans une assemblée aussi nombreuse. « J’espérais autre chose, mais reste que la mobilisation a été bonne. On a des réunions de secteurs depuis 1986 et c’est la réunion la plus importante à laquelle j’ai assisté. » M. Roy attribue le résultat à de la désinformation qui aurait été véhiculée auprès des producteurs. « Il y a des gens qui circulent dans les rangs et qui disent qu’on veut diriger le bois dans les usines, qu’on veut imposer des contingents, que le type aura plus le choix de son transporteur. Donc, tout ça fait en sorte que des gens y croient. » Soutenant que cette information est véhiculée à tort, M. Roy ne s’en cache pas, « là, on a de l’éducation à faire. » Faisant référence à près de la moitié de l’assistance, « on a une soixantaine de personnes qui sont venues ici et qui sont convaincues que c’est une bonne chose ce qu’on fait. »
Le choix de 14 délégués doit-il être perçu comme une menace éventuelle, M. Roy avoue ne pas savoir. « J’avoue que je ne sais pas l’intention derrière ça, je ne vois pas venir. C’est la régie qui a le sort de l’initiative dans les mains, c’est même pas l’assemblée. Donc, ce qu’ils veulent faire, je ne sais pas. » Le président du syndicat est d’avis qu’une majorité de délégués contre le projet ne pourrait pas faire basculer les choses lors de l’assemblée générale du Plan conjoint. « Non, parce qu’on est rendu, c’est comme une cause pendante devant les tribunaux. La décision va se prendre à la régie. » M. Roy prétend ne pas voir comment les délégués pourraient influencer quoi que ce soit. Dans l’hypothèse où la régie tranche en faveur du syndicat et qu’une majorité de délégués seraient contre, ces derniers ne pourraient intervenir avant l’an prochain, d’affirmer M. Roy.
Quant à la possibilité de modifier les règlements notamment la représentativité des membres au conseil d’administration, M. Roy explique. « Le Syndicat tient deux assemblées générales, celle du Syndicat et du Plan conjoint. Ce sont les membres du Syndicat qui peuvent modifier le règlement. Il faudrait modifier quelques règlements parce que tous les producteurs membres du Syndicat ont le droit d’être élus. Là, il (M, Duteau) trouve qu’il y a trop de gens des groupements forestiers, mais notre règlement dit que tous les producteurs sont éligibles, membres de groupements forestiers ou pas. Je ne sais pas comment on pourrait modifier ça, sans que ça devienne discriminatoire. »
Une autre assemblée de secteur à Magog s’est déroulée la semaine dernière.
Projet
Selon M. Roy, la contestation envers le projet provient principalement des industriels et de producteurs-entrepreneurs. Le projet, explique-t-il, vise l’équité et la transparence. On veut négocier collectivement des prix pour le bois livré aux usines et des taux de transport avec les camionneurs. « Le projet veut négocier collectivement au nom de tous les producteurs. On négocierait à la fois, les prix, la qualité et le volume. On négocierait aussi les conditions de transport avec les transporteurs. » M. Roy prétend que dans une même municipalité, il peut y avoir des écarts de 20 à 25 % entre les différents producteurs pour ce qui est des prix du transport. « Ce qu’on veut nous, c’est qu’il y ait plus d’équité. Le petit producteur qui fait deux à trois voyages par année n’a pas le même pouvoir de négociation que celui qui en fait 200 ». Évidemment, cette intention ne fait pas le bonheur des transporteurs ; on en compte plus d’une quinzaine qui fait affaire sur le territoire du Haut-Saint-François.
Annulations
En raison des avis du gouvernement du Québec et compte tenu que plusieurs producteurs sont âgés de 65 ans et plus, donc plus à risque, le Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec suspend toutes ses activités syndicales et celle du Plan conjoint jusqu’à nouvel ordre. Par ailleurs, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec reporte la tenue des audiences prévues du 24 au 27 mars au 20, 21 et 22 mai prochains.