Agrandissement du site d’enfouissement à Bury : Plusieurs craintes et une confiance mitigée

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L’ensemble des intervenants ont manifesté plusieurs craintes quant aux mesures d’atténuation concernant l’agrandissement du site d’enfouissement à Bury.

Le projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) exploité par Valoris, à Bury, suscite bien des craintes et de la méfiance de l’ensemble des 11 personnes et organismes, qui ont déposé un mémoire au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, lors de la deuxième partie de la commission d’enquête tenue au début du mois.
Tous avaient des motifs d’être craintifs envers les engagements de Valoris. Le Conseil régional en environnement de l’Estrie et le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets voient le projet comme un mal nécessaire qui doit être réglementé et surveillé de près. D’ailleurs, on y propose une foule de recommandations.
Réticence
Pour les instances agricoles comme l’UPA de l’Estrie et le Syndicat local de l’UPA du Haut-Saint-François, la confiance n’y est tout simplement pas et on craint pour l’avenir des terres agricoles. Ce sentiment est également partagé par les citoyens qui ont déposé un mémoire.
Les deux organismes de l’UPA ont présenté conjointement un mémoire dans lequel ils font part de leurs inquiétudes communes. On y rappelle que le Syndicat local de l’UPA du Haut-Saint-François représente 844 producteurs agricoles, soit 492 entreprises agricoles pour des revenus annuels d’environ 86 M$ et 446 producteurs forestiers pour un actif qui génère des revenus annuels de 9 M$. Dans un rayon de 3,5 km du lieu d’enfouissement technique de Bury, on compte une dizaine de producteurs agricoles. Les principales productions sont des fermes laitières et des fermes de bovins de boucherie. « À l’échelle de la province comme à l’échelle régionale, c’est un constat d’échec quant à la réduction des déchets. À Bury, c’est le territoire agricole qui va en faire les frais avec des pertes de superficies. » Les producteurs sont inquiets quant à une potentielle contamination des eaux souterraines. On craint également que l’écoulement des eaux de surface dans le secteur puisse avoir un impact négatif sur le régime hydrique des deux ruisseaux qui sont situés à proximité du LET soit les ruisseaux Bégin et Bury. Ils expriment aussi leurs inquiétudes quant à de possibles contaminations des cours d’eau (ruisseau Bégin et rivière Saint-François) par des eaux de lixiviat traitées non adéquatement. Ils appuient leurs craintes sur le fait que Valoris a été condamné en 2020 pour des rejets de substances nocives compromettant la vie des poissons entre 2014 et 2016. À cela s’ajoute la problématique des goélands. « Les goélands viennent dans les champs et sont particulièrement présents lors des récoltes et entraînent des problématiques de salubrité dans les fourrages et les céréales qui peuvent potentiellement nuire au bétail. » On reconnaît que Valoris fait des efforts, mais cela s’avère insuffisant et ne fait que déplacer le problème des goélands vers d’autres terres agricoles. Même s’ils ne sont pas situés dans la direction des vents dominants, les producteurs mentionnent sentir des odeurs nauséabondes à l’occasion. Les syndicats agricoles demandent donc au BAPE que les mesures de protection requises soient en place et qu’un suivi rigoureux de celles-ci soit exigé pour éviter les problématiques post-agrandissement.
Une menace
Copropriétaire d’une ferme laitière de troisième génération à Bury, Lynne Martel-Bégin se présente à titre personnel et comme porte-parole d’un regroupement de sept autres producteurs agricoles du secteur. Tous se prononcent contre le projet d’agrandissement qui constitue, selon eux, une menace sur la qualité de l’eau et par conséquent sur leurs terres agricoles. « Si l’eau souterraine est contaminée, c’est la fin de nos entreprises », insiste Mme Martel-Bégin. D’ailleurs, elle dénonce la situation du ruisseau Bégin et des rejets de lixiviat qui traverse les terres de sa propriété. Elle rappelle que Valoris a été condamné en 2020 à payer une amende de 500 000 $ pour le déversement de lixiviat dans ce ruisseau. « En 2010, déplore-t-elle, avec la création de la Régie et son plan d’affaires, on nous promettait une réduction de l’enfouissement et une valorisation de plus ou moins 60 % du tonnage et la construction d’un centre de tri pour valoriser. Malheureusement, l’état réel du projet est bien différent. Si on avait fait tout ce qui avait été dit, on ne se retrouverait pas aujourd’hui avec un LET et ses cellules pleines. À la lumière de ce qui s’est passé, vous comprendrez que nous sommes inquiets et méfiants. En conséquence, nous nous opposons à ce projet, car cela pourrait mettre en péril nos entreprises, s’il y a plus d’eau potable. »
Voisinage
M. Cédric Bourgeois, qui a pris la parole au nom de son père résidant dans le voisinage du LET depuis plus de 40 ans, a partagé des enjeux comme la diminution des valeurs des propriétés, la pollution visuelle, la problématique d’odeurs, le bruit et respect de l’environnement. Il propose que Valoris s’engage dans une démarche formelle de médiation pour s’assurer d’une’intégration harmonieuse avec le paysage, que la problématique des odeurs soit considérée dans une problématique de cohabitation et de droit québécois et canadien à vivre dans un environnement sans nuisance et non dans une perspective réglementaire. Il propose également un mécanisme statutaire de partage des revenus avec la municipalité de Bury. M. Bourgeois est d’avis que le projet devrait être autorisé pour une période maximale de 10 ans « pour ne pas lui donner, à Valoris, un droit acquis à polluer l’environnement. »
Propriétaires d’une demeure dans le secteur depuis une dizaine d’années, Nicole Cadieux et Gilles Turcotte ont participé aux rencontres de consultation citoyennes organisées par les responsables de Valoris. « Nous y avons été bien informés, nous avons pris connaissance de leurs ambitions louables de valoriser les matières résiduelles afin de réduire l’enfouissement et de toutes les mesures qu’ils veulent prendre pour protéger l’environnement. Mais nous n’avons pas été convaincus. Qui veut d’un immense site de déchets près de chez soi ? » Le couple demande au BAPE de bien analyser les conséquences de cet immense projet quant aux voisins incommodés par les odeurs, les montagnes de déchets visibles, la baisse de la valeur des propriétés, les risques pour la nappe phréatique et le ruisseau, le déboisement et le milieu humide affecté.
Citoyens
Monique Scholz, citoyenne de Hampden, lance un cri d’alerte à toute la population qu’elle invite à multiplier les efforts pour réduire à la source et détourner le maximum de matières de l’enfouissement. « Les cellules du LET ont enfoui bien plus que ce pourquoi elles sont conçues. Les conséquences sont que le site s’est rempli trop rapidement, on a écourté sa durée de vie. C’est inacceptable qu’en 2021, 40 % de ce qui est enfoui dans une cellule de LET pourrait être composté à la place. » Mme Scholz croit qu’il est nécessaire d’améliorer le tri en amont « pour que Valoris ne reçoive pas des putrescibles avec les bacs noirs. On devrait rendre les bacs bruns obligatoires pour tous. » Mme Scholz dit sympathiser avec les voisins du site d’enfouissement et croit qu’une expropriation ou dédommagement financier serait approprié.
Martin Gagnon, consultant en environnement, rappelle qu’à l’époque, l’idée d’inclure un centre de tri à même le lieu d’enfouissement était bonne et l’est toujours, dans la mesure qu’on puisse remettre en marche les différentes lignes de tri. Faire appel au secteur privé pour valoriser les ressources et leur donner une valeur ajoutée serait également une bonne façon de faire. Il manque très peu de choses pour rendre le site efficace, estime M. Gagnon. Il souhaite également que les municipalités mettent en place des programmes de sensibilisation et formation auprès de la population pour l’inciter à réduire à la source les déchets et mieux trier les résidus.
Waban-Aki
Au total, 11 mémoires ont été déposés dont celui du Grand conseil de la Nation Waban-Aki, déplorant que la nation n’ait pas été consultée depuis le dépôt du projet en 2016 et l’étude d’impact en 2020. « On ne retrouve aucune information sur la Nation dans l’étude d’impact ni dans les documents gouvernementaux. Pourtant, le projet est situé au cœur du Ndakina (territoire de la Nation) et des W8banakiak pratiquent des activités traditionnelles en Estrie. De même, on retrouve plusieurs sites archéologiques dans la région. »
L’audience publique de la commission d’enquête s’est complétée au terme de la soirée du 12 avril dernier. La commission, qui a uniquement un pouvoir de recommandation, rappelle la présidente, Marie-Hélène Gauthier, a jusqu’à la mi-juillet pour déposer son rapport au ministre de l’Environnement, Benoit Charrette. Celui-ci disposera de 15 jours pour le rendre public. La décision d’autoriser ou non l’agrandissement reviendra au conseil des ministres.

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