Alors que le gouvernement tente de déterminer de quelle façon seront utilisées les terres publiques en Estrie, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) et les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) démontrent une divergence d’opinions. Lors d’une visite terrain à Lingwick, Jonathan Blais, président des PPAQ en Estrie, tenait mordicus à démontrer le potentiel acéricole de sa région, alors que le MFFP envisage davantage un potentiel forestier.
Récemment, les membres de la Table de gestion intégrée des ressources et du territoire (TGIRT) de l’Estrie et d’autres représentants forestiers se sont réunis à Lingwick dans le secteur du lac McGill. « L’objectif était de montrer aux membres du groupe la façon dont le ministère et l’entrepreneur qui va faire les travaux vont procéder. Ce sera quoi la régénération forestière ou le maintien de ce secteur-là », explique Jean-Paul Gendron, président de l’Agence de mise en valeur de la forêt privée de l’Estrie (AMFE). Il y a environ 35 000 hectares de forêts publiques sous le régime d’aménagement en Estrie, dont plus ou moins 7 000 dans le Haut-Saint-François. « Les deux parcelles qu’on a visitées sont des parcelles feuillues, dominées par l’érable à sucre, l’érable rouge et le bouleau jaune. La question qui se posait était quel est le potentiel acéricole de ces parcelles-là », mentionne M. Gendron. Selon le MFFP, ces terres possèdent peu de potentiel acéricole et il semble vouloir prioriser la coupe forestière. Or, l’opinion de M. Blais va dans le sens opposé. Il affirme avoir mandaté une firme indépendante pour effectuer l’évaluation du potentiel. « Nous, on avait ciblé 1,8 million d’entailles en Estrie », exprime-t-il. Il se désole de constater que le ministère n’a réservé aucun potentiel pour l’acériculture. Pour lui, le lien de confiance avec les ingénieurs du MFFP est brisé.
Au printemps 2017, le MFFP a réalisé une étude afin d’évaluer le potentiel acéricole au Québec. Celle-ci s’est faite dans l’optique d’avoir une vision stratégique de la gestion et du développement acéricole sur les terres publiques. Elle permet d’encadrer, documenter et orienter les acériculteurs détenteurs d’un permis d’intervention pour la culture et l’exploitation d’une érablière à des fins acéricoles ou désirant en obtenir un. Il a été convenu qu’une carte démontrant les superficies réservées aux productions acéricoles devait être produite à la fin de l’exercice. Plusieurs critères déterminent le potentiel acéricole d’une forêt. D’abord, les peuplements doivent être de type feuillu ou mixte à dominance feuillue. Les arbres doivent être suffisamment grands et matures pour représenter un potentiel d’entaillage. Ainsi, seuls les peuplements d’une hauteur de sept mètres et plus ont été retenus. Finalement, les arbres ne doivent avoir subi aucune perturbation naturelle ou anthropique.
Toujours selon cette étude, la région de l’Estrie, qui a une superficie totale de 10 508 kilomètres carrés, contient 834 kilomètres carrés de terres publiques, soit 7,9 %, dont 357 km2 sont en aires protégées, soit 43 %. Le potentiel acéricole brut en terres publiques de la région de l’Estrie a été évalué à 20 488 hectares soit 24,5 % des terres du domaine de l’État de la région et totalise 3,85 millions d’entailles, écrit-on dans l’étude. Le MFFP explique que de cette superficie, 11 857 hectares sont situés sur des territoires où la règlementation ne permet pas l’acériculture, soit les parcs ou les aires protégées, 5 348 ha sont déjà sous exploitation acéricole par l’entremise de permis d’intervention et 6 032 ha sont conservés pour la production de bois. Finalement, c’est 478 ha qui sont réservés pour le développement acéricole. « Actuellement, près de 50 % des érablières à potentiel acéricole de l’Estrie sont déjà exploitées pour l’acériculture sur terre publique », explique Dominique David, conseillère en communication au MFFP. Pour M. Blais, ce n’est toutefois pas suffisant. « Ils nous ont rien gardé. Ils ont tout mis le potentiel en aire intense de production ligneuse, ce qui est un non-sens. Tout ce qu’on avait ciblé, ils l’ont remis sur un plateau d’argent aux industriels », déplore-t-il. Selon lui, la jeune relève voit les terres publiques comme une avenue intéressante pour démarrer, mais avec la décision du MFFP, il a l’impression que le gouvernement leur dit d’aller voir ailleurs. « Ce qu’on dit au gouvernement, on peut cohabiter, on peut faire en sorte de faire de très beaux travaux d’aménagement. Ce n’est pas de dire qu’on va mettre les érablières sous une cloche de verre comme le gouvernement actuel essaie de dévier le débat. On veut statuer sur le type de coupe dans les potentiels acéricoles », exprime le président des PPAQ.
Au moment d’écrire ces lignes, le MFFP n’avait pas répondu aux questions acheminées il y a plus de deux semaines, concernant ce débat.
Divergence d’opinions entre le MFFP et le PPAQ : Utilisation des terres publiques
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