Annie Roy et Martin Boissé, fiers de leurs bières au Brasseur Fou de Sawyerville.
Chez les Roy-Boissé, brasser sa bière pour son plaisir a muté. Il est devenu plaisir de brasser de la bière à plus grande échelle. Annie Roy et Martin Boissé ont acheté en juillet 2019 l’hôtel de Sawyerville pour partager avec les amateurs cette passion.
Outre ce service de prime importance, celui d’éviter aux gosiers de s’assécher, ils en proposent d’autres, dont cinq chambres destinées à l’hébergement, une salle pour les réceptions comme des mariages pour l’exemple. Passionnés de cuisine, ils suggèrent des repas concoctés avec des produits du terroir qui peuvent être consommés à l’intérieur ou sur la terrasse très bien située. Les fins de semaine sont réservées aux spectacles et aux chansonniers. La taverne, dont ils ont conservé l’aspect des années 1970, reçoit sa clientèle « pour une p’tite vite » de fin d’après-midi ou « d’autres libations, plus longues », pour débattre de la dernière rumeur ou pour « sauver la planète ».
L’histoire du Brasseur Fou
Le couple et leurs deux enfants Ulrik et Desneiges ont quitté la ferme de Cookshire-Eaton pour s’approcher de leur entreprise. Tout en continuant à déménager leur troupeau à proximité, ils vaquent à combler les besoins des clients de la taverne et des affamés de passage.
Amateurs de bonne chère, ils misent sur la qualité de leurs mets et la finesse de leur bière pour attirer la clientèle provenant de tous horizons. La proximité de la frontière américaine, entre autres, ils la considèrent comme un grand avantage. Les Américains se sentent à l’aise dans ce village où la communauté anglophone est encore importante.
L’origine de l’appellation Brasseur Fou tient au fait de « son excentricité », comme il le dit lui-même. Homme aux mille métiers, Martin Boissé a travaillé dans la construction et l’élevage. Ses relations avec d’autres microbrasseries sont très bonnes. Pour compléter l’alimentation de ses animaux, il se procure la drêche tant chez 11 comtés qu’au Boquébière. Profitant des services de l’encan pour porter ses bœufs, porcs, chevreaux à l’abattoir, il les récupère dépecés pour les utiliser dans les repas que le couple sert. Les explications foisonnent quand il décrit comment il prépare ses viandes et ses charcuteries, et comment l’art de la cuisson importe, entre autres.
La bouffe et la bière
Mme Roy et lui croient dans l’économie locale et circulaire. L’achat de produits locaux pour cuisiner et brasser les bières prime. Ses céréales proviennent en grande partie de la région, comme ses houblons d’ailleurs. Ses malts sont produits chez Innomalt de Sherbrooke. Cette entreprise s’est spécialisée pour en offrir une gamme qui répond aux besoins des maîtres-brasseurs les plus avertis. Pour les légumes, les Maraîchers de l’or vert de la municipalité s’ajoutent comme fournisseurs.
M. Boissé produisait une trentaine de litres de bière à la maison avant de se lancer dans une entreprise plus consistante. Pour obtenir le droit d’en brasser à dimension commerciale, il a dû suivre une formation spécifique pour obtenir la certification de brasseur artisanal. Son expérience domestique ne pouvait pas être considérée. De plus, un brasseur d’expérience l’encadre. Ce dernier a été maître-brasseur pendant des années chez Labatt. Enfin, M. Boissé doit s’intéresser aux mises à jour régulières pour maintenir son expertise.
Le Brasseur Fou offre quatre bières rafraîchissantes et une bière « du moment ». Reconnaissant que sa clientèle provient de plusieurs endroits, il propose principalement des « bières dites de soif », avec un taux en alcool titrant entre 4 % et 5 %. « Je vise une clientèle de jeunes professionnels jusqu’aux aînés qui doivent repartir en auto. Je veux qu’ils profitent d’un bon repas et “d’une couple de bières” sans craindre de dépasser le 0.08 ».
Chaque semaine, à tour de rôle, il brasse quelque 150 litres de bière. Il vise à en produire une douzaine l’an prochain, dont une de type Scotch Ale avec un malt spécifique et un mélange de 9 grains. Il offre pour l’instant la Blanche de Sawyerville, la blonde Kali, la pale ale Oscario et l’ambrée Zéphir. « Toutes mes bières ont été modifiées et adaptées », explique-t-il. Pour l’exemple, il a concocté une bière particulière pour le spectacle de drag queens qui s’y est tenu plus tôt. Il aime soumettre ses créations à sa clientèle pour savoir comment elle est perçue. On sent M. Boissé attentif à leurs réactions.
L’appellation de chaque bière repose sur une histoire. La Blanche de Sawyerville répond aux nombreuses autres semblables, mais en spécifiant qu’elle est locale. Kali correspond au nom de son chien. Mme Roy ajoute que Kali se réfère aussi à la déesse indoue de la destruction. Pourtant, elle ne souhaite pas que cette divinité interfère sur la vie de sa clientèle. L’Oscario rappelle son gros St-Bernard tandis que la Zéphir correspond à son bélier de race islandic qu’il porte fièrement tatoué sur l’épaule gauche.
M. Boissé s’en tient pour l’instant aux recettes de base qui consistent à mélanger grains, houblon et levure selon le type de bière à brasser. La pandémie lui a donné plus de temps pour approfondir ses connaissances et tester de nouvelles recettes. Il a pu renforcer les liens avec des fournisseurs locaux.
Spectacles
Depuis quelque temps, le Brasseur Fou offre des spectacles et des évènements festifs pour attirer la clientèle. Les mercredis soir sont réservés au karaoké. Les vendredis et samedis, des artistes-musiciens se produisent. D’autres spectacles sont aussi ajoutés au programme régulièrement. À mettre à l’agenda pour le carnaval d’hiver, un bar en glace avec shooters gélifiés moulés sur la terrasse pour amuser les amateurs. « On veut se démarquer avec une belle offre variée pour se faire connaître », conclut le tenancier.