L’adoption mixte à la DPJ : Une expérience non sans risques, mais enrichissante pour les familles

Adoption

Les parents s’amusent avec les enfants.

Adopter des enfants de la DPJ comporte son lot de risques et d’inquiétudes, mais en bout de course, les parents rencontrés par le journal régional Le Haut-Saint-François, qui en ont fait l’expérience, disent que le jeu en vaut la chandelle et ils sont visiblement fiers de leur famille.
Pour Marie-Pierre Tardif d’Ascot Corner, le désir d’être maman et avoir sa famille était plus fort que tout. Elle a adopté quatre enfants sur une période de 15 ans, soit un de l’adoption internationale, âgé aujourd’hui de 16 ans et trois 8, 4, 2 ans, issus du programme de banque mixte de la DPJ. Célibataire, Mme Tardif utilise le terme soloparentale pour se définir « parce que c’est moi qui décide, c’est un choix de vie que j’ai fait. J’ai décidé d’avoir des enfants toute seule. Pour moi, la chose la plus importante dans ma vie, c’était d’avoir des enfants avant même d’avoir un conjoint. » Cette maman a rencontré une personne qui est devenue une amie et qui avait adopté trois enfants à la DPJ. « Elle a fait tomber tous mes préjugés. »
Mme Tardif a fait une première demande auprès de la DPJ et obtenu la garde d’un enfant d’à peine 40 heures après sa naissance. Elle l’a gardé pendant 9 mois avant qu’il lui soit retiré pour retourner dans sa famille biologique. « Ç’a été l’exception, il n’y a pas beaucoup d’enfants de la DPJ qui repartent. » À sa deuxième tentative, Mme Tardif a eu Henri pendant 9 mois. Il lui a été retiré, puis revenu pour de bon, cinq mois plus tard. « Quand ils m’ont appelé le 20 avril 2015 pour me dire que Henri revenait, je pense que ç’a été le plus beau jour de ma vie. » Bien que l’inquiétude soit toujours présente, au cours du processus, les deux autres adoptions se sont bien déroulées. À 45 ans, la maman a décidé qu’elle avait suffisamment d’énergie pour adopter son quatrième enfant. Pour elle, une véritable famille, c’est quatre enfants. Pour se faire « faut avoir un bon entourage. Faut avoir un entourage qui croit dans le projet ou du moins qui nous écoute. Ça prend des gens pour nous aider, ça prend des professionnels pour nous écouter et nous accompagner. On a un intervenant pour nous et un intervenant pour l’enfant. Tout au long du processus, on a quelqu’un pour nous accompagner. »
Pour Marie-Pierre Tardif, la motivation d’avoir des enfants est très égocentrique. « C’est le besoin d’être entourée, d’avoir une famille, d’avoir de l’action autour de moi. Avoir l’impression que je sers à quelque chose. » Pour la maman, l’adoption est motivée par le désir d’avoir une famille, pas de sauver un enfant. « Les enfants, avoir une famille, ce n’est pas un privilège, c’est un droit. Moi, par contre, être parent, c’est un privilège. »
Mère soloparentale avec quatre enfants n’est pas toujours évident. « C’est un joyeux chaos à la maison ici, c’est à l’envers, il y a des jeux partout, ça crie, ça hurle, je suis heureuse là-dedans. Faut être capable d’accueillir cette surcharge-là et moi, ça me nourrit. »
S’entourer
Mme Tardif est bien entourée, une femme de ménage deux jours semaine, des amis et des parents qui répondent présents à l’appel. Même si les enfants proviennent de divers milieux, ils forment une famille unie. « Le lien de sang n’est pas important, ils ont vécu des choses. Ils sont très fusionnels mes enfants. » Elle est d’avis que sa famille est plus unie qu’une dite normale, peut-être à cause de ce qu’ils ont vécu. Le fait d’avoir deux enfants de couleur, deux filles dont une rousse et la petite dernière blonde ne font aucune différence aux yeux des enfants. Ils se voient tous comme frère et sœur sans distinction. « Ils sont hyper proches. »
Le conseil que Mme Tardif donne aux futurs parents est d’aller à la séance d’information et « d’être solide dans ce que vous souhaitez et engagez-vous ; c’est la plus belle aventure du monde. Moi, ça m’a permis de devenir une famille, c’est pas rien, c’est un projet de vie. »
Un des enfants, Henri, a bien voulu commenter à visage découvert. Lui qui a vu la famille s’agrandir avec l’arrivée de ses sœurs n’a pas ressenti d’animosité et la transition s’est faite comme une famille à laquelle s’ajoute un nouveau-né. « J’étais très content d’avoir de nouvelles sœurs quand maman me l’avait dit. »
Couple
Le couple Chantal et Jean-Michel, du Canton de Westbury, a bien voulu accueillir le journal pour parler de leur expérience. Ils ont adopté trois enfants âgés aujourd’hui de 6, 5 et 3 ans. Ne pouvant avoir d’enfants de façon biologique, le couple a effectué des recherches sur Internet pour choisir l’adoption, banque mixte de la DPJ. « On ne connaissait pas ce service. On est allé à la séance d’information en avril 2016, et on a fait nos démarches. En septembre 2016, on a été accrédité, puis on tombait sur la liste d’attente le 30 septembre pour essayer d’avoir un enfant et le 23 décembre, on accueillait notre premier, un beau cadeau de Noël. Nos enfants sont tous arrivés à deux mois de vie. On a été chanceux pour ça, d’avoir de petits bébés. » Le couple était déterminé à avoir deux à trois enfants. Les délais se sont avérés très rapides d’une à trois semaines après avoir déposé la demande.
Les parents admettent que la première année avec l’enfant est plus inquiétante en raison du risque qu’il soit rappelé. « C’est un risque qui est faible, mais qui est vraiment bien expliqué au départ. Pour nous, le désir d’avoir des enfants et de fonder notre propre famille était plus grand que le risque. On a beaucoup de soutien », d’ajouter le papa. Le couple a été appuyé par la même travailleuse sociale tout au long du processus d’adoption. « Ça fait maintenant sept ans, elle connaît bien notre couple », de préciser Jean-Michel. Les enfants ont également leur travailleuse sociale.
Pour le couple, l’intégration « se fait comme une famille qui a trois enfants rapprochés. Le processus est un peu différent, mais en adoption, on va voir l’enfant puis tout est beau, l’enfant progressivement revient dans notre milieu, on l’intègre jour à jour selon les besoins de l’enfant. Chaque histoire est différente, chaque enfant a son bagage, ses défis, ses difficultés. On doit et c’est là-dessus le soutien qu’on a est pertinent ; on s’adapte à chaque situation aux besoins de l’enfant selon le cas », d’expliquer le père. Même si l’ensemble du processus s’est bien passé, les parents admettent que le plus difficile est de gérer le risque de se voir retirer l’enfant particulièrement la première année.
Pour les parents, le fait d’avoir un enfant par l’adoption fait oublier rapidement le processus dit naturel. « Tout ça tombe très rapidement. Quand on est avec l’enfant, puis au jour un comme une mère qui accouche, on vit la fébrilité d’accueillir. C’est juste que c’est accéléré. On donne un coup de téléphone, quelques jours après l’enfant est chez toi, tu vis comme si papa, maman avait arrêté de travailler pour s’occuper de l’enfant comme si l’on venait d’avoir un accouchement », d’exprimer les parents. Toutefois, ils admettent que l’intégration peut nécessiter quelques mois et varie selon l’enfant. « Faut se laisser le temps de s’adapter mutuellement et le lien se crée. Maintenant, on a un lien d’attachement très fort. Nos enfants, on se le fait dire, vos enfants sont tellement humains, tellement attachants. C’est un processus où l’on est amené par choix et intérêt à s’impliquer beaucoup parce qu’il a fallu le construire, le travailler. Sans rien enlever à aucun parent, aucune famille, de par ce qu’il faut faire, dès le départ, si ce n’est que par l’intérêt d’aller là, il y a un investissement, faut travailler fort le lien. Comme les trois sont adoptés, c’est notre plus grande fierté. Notre but, c’était de créer notre famille en tant que couple et de permettre à des enfants qui pouvaient peut-être sur un point de départ avoir un peu moins de chance, de leur permettre d’aller où il serait capable d’aller par eux-mêmes. On veut juste leur donner le meilleur et qu’ils soient heureux. »
Selon les parents, les enfants ne voient pas de différence au fait qu’ils soient adoptés. « Pour eux, il n’y a pas de différence et depuis l’arrivée de la troisième, ils sont encore plus fusionnels dans la discorde comme dans le bonheur. Ils ont besoin de l’un et l’autre pour être bien. C’est vraiment mon frère, ma sœur. Ils font ça tout seuls ; on n’a pas eu besoin d’intervenir, ça se fait naturellement », d’exprimer les parents.
Bien que les enfants soient en bas âge, les parents ont bien l’intention de leur expliquer la situation. « On leur a fait chacun un album photo. Les enfants, explique Chantal, ont été retirés de leur famille biologique dès leur naissance. On a pris des photos quand on est allé les chercher dans leur famille d’accueil d’urgence. On est leur troisième famille », précise-t-elle.
Enfin, s’informer auprès de personnes qui ont adopté et participer à la séance d’information sont deux façons efficaces de se faire une bonne idée sur le projet d’adoption banque mixte, d’exprimer les parents. « Moi et mon conjoint, on ne pensait jamais adopter dans notre vie. Au final, on est rendu avec trois beaux enfants, on a créé notre propre famille, on est vraiment reconnaissants et nos enfants, c’est notre plus grande fierté. On recommencerait l’expérience demain », de soutenir la maman.

Article précédentArticle suivant
Pierre Hébert
Pierre a été le directeur général du Journal pendant plus de 30 ans. Il a pris sa retraite en 2023.
©2024 Journal Le Haut-Saint-François