Un texte de Samuel Provencher, Kasey Statton et Michaël Bédard en collaboration avec le Carrefour jeunesse-emploi du HSF
Nous savons que rien n’arrive pour rien dans la vie et que toutes expériences nous donnent des leçons à retenir. Cependant pourrions-nous ne plus être du mauvais côté des statistiques ? Durant la pandémie, 30% des jeunes hommes présentaient un taux de détresse psychologique élevé (J. Roy, 2022). Ironiquement, dans un monde plus connecté que jamais, les hommes se retrouvent de plus en plus isolés. Selon le sociologue Jacques Roy, de 2020 à 2022, 75% des hommes ayant un indice de détresse élevé n’ont pas reçu de services.
Que ce soit dû à l’isolement, au manque de confiance en soi ou à la difficulté à gérer ses émotions, nous, les hommes, avons un blocage quand vient le temps d’aller chercher de l’aide. Malgré nos différents trajets de vie et notre jeune âge, nous avons tous un point en commun, celui du silence. Nous sommes maintenant plus conscients du problème et c’est désormais à notre tour de prendre la parole.
Nous avons été socialisés à être des hommes traditionnels et hégémoniques, stigmatisés à être forts, dominants et stoïques, c’est encore une réalité aujourd’hui. On socialise les hommes à séduire ou dominer les femmes, plutôt qu’à être en relation égalitaire. Au courant des époques, les hommes ont généralement eu les meilleures positions dans leur milieu de travail, nous sommes vus comme étant plus confiants à négocier un salaire, plus rapides à saisir les opportunités, plus ouverts à valoriser nos compétences. Mais par peur de perdre la face au travail, nous sacrifions notre vie familiale. Nous passons moins de temps avec nos enfants par peur que ça impacte nos carrières. Encore en 2023, plusieurs hommes ont démontré un blocage vis-à-vis des promotions dû à leur prise de congé parental.
Cependant, quand surviennent les épreuves, on demeure vulnérable et fragile. On ne sait pas comment les encaisser et le poids au fil du temps devient de plus en plus lourd. Les hommes se suicident 3 fois plus comparativement aux femmes (J. Roy, 2022). Pour un mauvais choix, nous remettons toute notre existence en question, nous avons l’impression de ne pas mériter notre place et de ne pas être capables de nous en sortir seuls. Nous vivons une pression sociale et craignons de ne pas être à la hauteur. La honte nous empêche d’aller vers les ressources, et pourtant ces ressources nous ont aidés à nous surpasser.
Nous sommes 3 hommes qui avons utilisé des ressources et voici nos parcours.
«La perte de mon père à mes 19 ans a altéré mon cheminement de vie. J’ai passé la totalité de ma vingtaine dans un cercle vicieux de la dépression. Isolé entre mes quatre murs, je n’avais plus aucune ambition ni rêve, aucune porte de sortie. En juin 2022, presque 7 ans plus tard, je dois faire face à la rue suite à un feu de mon appartement, perte totale. Si ce feu n’était pas arrivé, je ne serais pas ici pour vous écrire ceci, donc il y a du positif dans le négatif, faut seulement vouloir le voir. J’ai profité de l’opportunité pour aller chercher de l’aide, ce qui n’aura pas été facile pour moi. Mais les services de santé mentale, le Carrefour jeunesse-emploi HSF et une travailleuse sociale m’ont accueilli, compris, et aidé. Il y aura fallu un feu pour moi, mais peut-être pas pour vous.»
– Michaël B.
«Je n’ai pas eu la vie facile, loin de là. Je suis passé par plusieurs épreuves telles que l’absence de figure paternelle, les traumatismes, l’échec scolaire, les difficultés d’adaptation dans la vie sociale et autres. Cette accumulation de problèmes m’a causé du tort à long terme, j’ai commencé à développer des envies suicidaires depuis mon adolescence, je négligeais complètement mes études et par la même occasion, moi-même. Un jour, j’ai reçu un appel d’une dame me proposant d’essayer les services du CJE pour me trouver un repère et une solution à ma situation. Depuis, je me suis mis en route vers un DEP en dessin de bâtiment, ce qui me motive énormément. J’ai enfin pu trouver un sujet de motivation me poussant à me surpasser et à me sortir des sentiers battus.»
– Kasey S.
«Le cancer a emporté ma mère en 2006. Ça m’a beaucoup affecté. Je suis entré dans un cycle infernal d’abandon des études et du travail, de consommation et de dépendances aux jeux vidéo. Je m’isolais de plus en plus et je peinais de plus en plus à garder un grand cercle social. Au début, j’ai eu un diagnostic de dépression, ensuite de trouble bipolaire et d’anxiété. Au fil des années, j’ai enfilé bon nombre de démarches avec l’aide de plusieurs intervenants et spécialistes afin de trouver des trucs pour retrouver un mode de vie saine. Grâce à ça, je suis retourné aux études et j’ai démarré ma propre entreprise.»
– Samuel P.
Comme vous pouvez le constater, nous avons aussi eu un bout de chemin difficile, mais avec du courage, avec la volonté d’affronter notre peur de l’inconnu, avec de l’accompagnement professionnel, nous avons réussi à nous rendre à notre but commun avec du temps et de la patience. Tout espoir n’est cependant pas perdu, car avec les années, on apprend à vivre avec les deuils et les abus. Toutefois, pour que tout ça fonctionne, il est aussi nécessaire de s’engager, de participer et d’y croire.
Donc, qu’est-ce qu’un homme aujourd’hui ? Selon nous, il s’agit d’un individu pouvant lui aussi souffrir et ayant droit de vivre des difficultés au quotidien. Un homme peut être endeuillé, traumatisé, dépendant d’une substance, souffrant d’une maladie, déçu de son parcours de vie ou se cherchant lui-même. Pour beaucoup, les ressources semblent totalement inconnues et ce que nous voulons faire, c’est démontré qu’elles existent et qu’elles sont accessibles.
Ce qui est important de se rappeler, c’est qu’on te comprend mon gars, on le sait que ce n’est pas évident, que le bonheur semble inatteignable et qu’on pense ne pouvoir jamais s’en sortir, c’est pour ça qu’on t’encourage à contacter un service près de chez toi, il y a toujours un moyen de trouver de l’aide. Tu es plus important que ce que tu peux penser, il y a toujours moyen de s’en sortir.
Nous remercions tous les autres hommes ayant participé de près ou de loin à ce projet de lettre ouverte, vos histoires nous ont touchés et sans votre participation, nous n’aurions jamais pu nous rendre aussi loin dans cette aventure.