Clermont Hudon, DG des Industries Nigan depuis 2014 et propriétaire depuis 2018, traverse l’épreuve de la fermeture de son entreprise avec sagesse et philosophie. « Ce sont les circonstances de la vie », admet-il, avec une certaine tristesse pour ses employés.
Les sous-traitants dans le domaine de l’automobile n’ont pas l’habitude de manquer d’ouvrage. Mais le contexte économique difficile pour tous, la pénurie de main-d’œuvre, le manque de contrats et les hausses du salaire minimum ont globalement compliqué la survie des Industries Nigan, de Cookshire-Eaton, qui se voit dans l’obligation de fermer ses portes à la fin d’avril prochain.
À ce moment précis de son histoire, il ne restera que 25 employés qui perdront leur emploi, mais dernièrement, ils étaient 60, alors qu’en 2014 l’entreprise en comptait 90.
« Nous n’avons qu’un seul client, soit Waterville TG, pour lequel nous travaillons en sous-traitance à fabriquer des joints d’étanchéité moulés en caoutchouc, pour des modèles d’autos précis », décrit le directeur général des Industries Nigan, Clermont Hudon.
« Notre gros contrat principal se termine en mars. Ce contrat fournit 60 pour cent de notre chiffre d’affaires. Le reste ne suffit pas pour survivre. Nous subissons une réorganisation du travail au niveau de Waterville TG, qui se doit de rencontrer une certaine rentabilité. Pour nous, c’est strictement une question de main-d’œuvre, car nos équipements, dans notre usine, appartiennent à Waterville TG. Ils ont à décider si nous faisons de l’ouvrage pour eux, si nous sommes moins cher, sinon ils le font eux-mêmes, si nous sommes plus coûteux. Ils ont un choix économique à effectuer. La base pour nous, c’est le salaire minimum. Plus il augmente, moins nous sommes concurrentiels. Et il y a la convention collective à respecter. C’est très simple », affirme M. Hudon, très réaliste, stoïque, rempli d’une certaine sagesse.
« J’ai reçu une offre d’achat pour la bâtisse ici, que j’ai accepté. Je ne sais vraiment pas ce que l’acheteur va faire ici dorénavant. Évidemment, pour l’instant, c’est conditionnellement au financement. Vous savez, ici, j’ai des employés qui ont 30 ans d’ancienneté. Je suis triste surtout pour mon monde. Après mes 22 ans de service militaire et après différents emplois que j’ai remplis, je suis arrivé comme DG en 2014, et je suis devenu propriétaire en 2018. Ma plus grande satisfaction, c’était de faire travailler du monde… Ce sont les circonstances de la vie », affirme l’homme, qui admet avoir été peiné de prendre la décision qu’il ne pouvait pas contourner.
Il est également propriétaire de la compagnie Cizotrim, à Sherbrooke, qui fait aussi le même travail de sous-traitance pour Waterville TG.
« Cizotrim ne fermera pas, car nous avons un contrat qui ne se terminera qu’en 2030. Nous y fabriquons les joints d’étanchéité pour le Jeep Wrangler, un modèle qui est très stable. De mon côté, l’an prochain, j’aurai 60 ans et je veux prendre la vie plus relax en faisant autre chose. Avec la pénurie de main-d’œuvre, on ne peut quand même pas avoir des robots partout ! », lance-t-il en riant.
« Je n’ai aucune rancune. C’est triste pour mes employés, qui ont certaines options. Mais on n’a aucun contrôle sur la situation. Il faut regarder en avant, c’est la vie. Il faut en sortir du positif, c’est une expérience à vivre, il n’y a pas de troubles, il n’y a que des solutions », philosophe Clermont Hudon.
Une employée de la première heure est arrivée dans son bureau, alors qu’il disait ces derniers mots. Carole Boutin s’est jointe à l’entreprise en 1995, alors qu’elle venait d’être créée en 1994.
« Ça aurait fait 29 ans en juin prochain. Je suis devenue directrice de production quand M. Hudon est arrivé en 2014. Il m’a donné ma chance. J’avais commencé comme journalière », précise-t-elle, assurant qu’elle a été heureuse pendant ces presque 29 ans.