L’Union des producteurs agricoles (UPA) a émis un signal d’alarme, principalement à l’intention du gouvernement du Québec, à propos d’une tendance négative qui s’intensifie : « Les superficies possédées par des propriétaires “locateurs” augmentent d’année en année, sans information significative sur la vocation réelle de ces acquéreurs », a commencé le président général de l’UPA, Martin Caron, au début de mars 2024.
« Les données fournies dans le cadre de la consultation sur le territoire et les activités agricoles confirment aussi que des centaines de milliers d’hectares (ha) sont maintenant la propriété d’un nombre restreint de propriétaires et que cette tendance s’accélère. Ces deux phénomènes vont à l’encontre des intérêts agricoles, alimentaires et territoriaux des Québécois », a continué M. Caron.
À l’occasion de cette consultation nationale, l’UPA a démontré au gouvernement du Québec, en 2023, qu’il sous-estimait de beaucoup les pertes de superficies agricoles des 25 dernières années et que les menaces aux activités de nos agricultrices et agriculteurs sont nombreuses et urgentes à contrer.
« La zone agricole perd 12 terrains de football par jour depuis 25 ans. » C’est par ce titre accrocheur que l’UPA avait abordé la question des pertes de superficies agricoles. L’organisme demandait au gouvernement de défendre intégralement le territoire agricole, incluant la primauté de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, et de renforcer les mécanismes nécessaires à sa protection.
Concernant le Haut-Saint-François, quelques statistiques provenant de l’UPA peuvent illustrer la situation relative aux pertes de superficies agricoles. Ces pertes peuvent être dues à une exclusion de la zone agricole ou bien à une autorisation pour un usage autre qu’agricole. Entre 1988 et 2022, 386 hectares ont été exclus de la zone agricole dans la région, alors que 248 hectares y ont été inclus. En Estrie, ce sont 2557 hectares qui ont été exclus de la zone agricole. La variation nette, entre les pertes et les gains, est négative, alors que la majorité des pertes concernent des sols de meilleure qualité agronomique, soit moins 293 hectares, et la majorité des gains se sont faits dans des sols de moindre qualité agronomique, soit plus 38 hectares.
En ce qui a trait aux autorisations pour des usages autres qu’agricoles, entre 1998 et 2022, 6477 hectares en zone agricole ont bénéficié d’une autorisation pour un usage autre qu’agricole en Estrie, et 1462 hectares dans le HSF, représentant 22 pour cent des superficies autorisées à l’échelle estrienne. Dans le HSF, les principaux usages autorisés sont les activités récréotouristiques, les services d’utilité publique, l’exploitation des ressources, comme les sablières et gravières, et le commercial/industriel.
Le taux d’autorisation des demandes pour des utilisations à des fins autres qu’agricoles, dans le HSF, est de 74 pour cent et que la plupart de ces superficies sont perdues à jamais pour la pratique de l’agriculture. Globalement, l’Estrie, avec la Montérégie, Chaudière-Appalaches et le Bas-Saint-Laurent concentrent plus de 50 pour cent des superficies sur lesquelles une utilisation autre que l’agriculture a été autorisée. Et le HSF en fait partie.
« Nous sommes très inquiets de l’ampleur des superficies totales bénéficiant d’une autorisation pour des fins autres que l’agriculture. Les usages autorisés ont un effet cumulatif lorsqu’ils ne sont pas limités dans le temps, comme les enjeux de cohabitation, par exemple. Ils augmentent la pression sur la zone agricole », est un commentaire qui fait partie du message de l’UPA.
Pour ce qui est des autres grandes menaces qui guettent les propriétés agricoles, les difficultés grandissantes de la relève et les entreprises en démarrage, compte tenu de l’augmentation fulgurante de la valeur des terres, qui ont augmenté de 300 pour cent entre 2010 et 2022 (statistiques de Financement agricole Canada), commandent également des mesures à la fois urgentes et concrètes.