Gomme de sapin : le produit phare de Léo Désilets en péril

Rachel Nadeau captée alors qu’elle récolte de la gomme de sapin en forêt. Photo fournie

La gomme de sapin baumier vient à manquer. À vrai dire, ce sont plutôt les cueilleurs qui se font rares, alors que la matière première n’attend qu’à être récoltée. 

Il y a une dizaine d’années à peine, l’entreprise Léo Désilets établie à Scotstown pouvait compter sur une quarantaine de cueilleurs. Cette année, « on espère qu’au printemps, on va avoir des cueilleurs », confie Louise Thibault, employée de l’entreprise et conjointe de Sylvain Désilets, fils du fondateur. 

« Les cueilleurs se font de plus en plus rares. […] Ils vieillissent et il n’y a plus de relève », poursuit-elle. La récolte de gomme de sapin était une activité plus répandue avant. « Il y a des gens qui ont fait ça pendant longtemps comme travail d’été », indique Yvon St-Jean du Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec. Mais aujourd’hui, « qui c’est qui sait que ça existe, cet emploi-là? » 

Et pourtant, ce n’est pas parce que le salaire est bas. Selon M. St-Jean, un cueilleur moyen peut faire 200 $ par jour. « C’est pas compliqué, mais il faut persévérer. Il faut aller en forêt tous les jours », poursuit-il. 

En quelques années, le prix de la résine de sapin a doublé. Chez Léo Désilets, la livre est passée de 28 $ à 50 $ en 2024. Chez Gomme de sapin du nord, à Saint-Jérôme, elle est passée de 25 $ en 2021 à 40 $ en 2024. « La rareté est là, ça fait qu’on paye plus », reconnaît Louise Thibault. 

Toujours est-il que le produit vedette de Léo Désilets est en rupture de stock à l’heure actuelle. La réserve de gomme de sapin est trop basse pour en faire la production. « Avant, on avait un sirop. Il n’existe plus. La gomme de sapin pure, c’est vraiment notre gros vendeur », explique Mme Thibault. « On est rendu les seuls qui en vendent. Sapino n’en vend plus. Il se fait rare. Ce serait de valeur qu’on soit obligé de le délaisser. » En effet, puisque c’est le produit avec lequel s’était lancé Léo Désilets en 1974. 

Petit pin va loin 

Si une telle entreprise établie confie avoir de la difficulté à s’approvisionner en térébenthine, d’autres joueurs – plus petits – réussissent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Rachel Nadeau, une cueilleuse basée à Lac-Drolet, au nord de Lac-Mégantic. Comptant sur l’aide de deux autres passionnés, elle souhaite garder sa production à un niveau artisanal. 

« Tout le monde m’appelle : dans les Laurentides, au Nouveau-Brunswick, partout! », s’exclame Mme Nadeau. « L’année passée en janvier, février, mars, j’en n’avais plus du tout. » 

Dans son cas aussi la demande demeure forte, alors que l’offre reste faible. Même si elle a doublé le prix qu’elle offre aux cueilleurs, « des jeunesses, il n’y en a plus qui veulent aller dans le bois », selon elle. « Ça va être appelé à disparaître, je suis certaine. » 

Non seulement il n’y a pas de relève pour la cueillette de gomme de sapin, mais les conifères n’ont pas la cote en ce moment. L’engouement pour l’érable et l’acériculture prend le dessus dans les forêts.  

« Dans la montagne à Lac-Drolet, j’ai ramassé [de la gomme de sapin] il y a trois ans. Aujourd’hui, oublie ça. Je peux plus en ramasser. Tous les sapins ont été abattus. Tu regardes la montagne; c’est juste des érables! » 

Malgré les embûches, Rachel Nadeau n’est pas près de prendre sa retraite. « Moi, je veux que tout le monde prenne de la gomme de sapin. Si tu savais les bienfaits que ça a! » 

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Jean-Marc Brais
Jean-Marc oeuvre dans les médias communautaires depuis 2013. Il a été journaliste pour le Haut-Saint-François de 2017 à 2019. Il est de retour au Journal depuis 2024.

1 commentaire

  1. Je suis très intéressé à ce genre d’article. Merci de nous tenir informé de ce qui se passe dans ma region

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