Implanté par le ministère de l’Agriculture et par la Fédération des producteurs de bovins (UPA) en 2001, l’Agritraçabilité (ATQ) avait pour but, nous disait-on, de retracer rapidement un problème de maladie chez les animaux et, encore plus important autant pour l’éleveur que pour le consommateur, d’identifier l’origine du bœuf jusqu’aux comptoirs des viandes.
Après 16 ans d’opération où y siège le «triangle amoureux», soient le ministère de l’Agriculture, la Financière agricole et l’UPA, le consommateur ne sait toujours pas s’il mange du bœuf québécois, canadien, ou autre viande importée mélangée à n’importe quoi. En réalité, l’ATQ a plutôt servi à freiner le blanchiment d’argent pour les gouvernements, à contrôler (le mot est faible) les éleveurs par la Financière agricole, et à soutirer des cotisations (toujours à la hausse) pour l’UPA.
Plus que ça, l’ATQ a surchargé les éleveurs, les encans d’animaux et les abattoirs de paperasse à en plus finir. Car, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Facile quand cet organisme possède le pouvoir, via la financière, de menacer, de couper dans les revenus, puis d’imposer de fortes amandes lorsqu’une erreur ou un oubli se glisse dans la complexité d’un élevage, d’une entreprise.
Ce qui fait qu’à force de s’acharner sur le dos des éleveurs de bovins, le Québec a perdu, en moins de 10 ans, plus de 40 % de ces mêmes éleveurs. Et la saignée ne s’arrête pas. La province ne produit plus qu’autour de 10 % de sa consommation. Ce qui se traduit par moins d’économie dans les régions, moins d’occupation du territoire, moins de vitalité dans les villages.
Dans le journal La terre de chez nous du 24 mai, le ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard, dit vouloir laisser sa marque: « L’ambition que j’ai, c’est de faire progresser le secteur bioalimentaire du Québec dans tous les territoires ». Tout en misant sur le développement des différentes filières, y lit-on encore.
Étant donné que le passé est aussi garant de l’avenir en agriculture, ce n’est peut-être plus en injectant des millions pour créer des emplois dans des organismes de toutes sortes, dits agricoles, que va se développer l’agroalimentaire au Québec. Mais il y a fortes chances que cela pourrait se faire en aidant à développer des mises en marché solides avec une politique de revenus garantis pour les producteurs. Le reste suivra tout seul. Peu importe la production.
Jean-Pierre Patry