Où placer les limites ?

Note de la rédaction : Voici le deuxième d’une série d’articles de personnes qui ont vécu l’abus ou la violence conjugale. Le rapport, Justice pour toutes, publié par la Corporation de développement communautaire en 2024, démontre un taux élevé de tels problèmes dans le Haut-Saint-François. Les détails de ce témoignage ont été modifiés et l’anonymat offert aux personnes impliquées, pour leur protection.

Je pense souvent que ces problèmes se faufilent dans la vie. Si je suis juste avec moi-même. Je ne l’ai pas vu venir. On ne le voit jamais, j’imagine. Même, si je suis juste avec lui, je ne pense pas qu’il était lui-même conscient, je ne pense pas qu’il voulait être pareil.

On nous dit de surveiller les signes. Mais c’est vraiment difficile. Tout est beau au début. Il semblait être une bonne personne. Je ne suis toujours pas certaine qu’il ne le soit pas.

Ça me fait penser à ma grand-mère. Mon grand-père l’abusait. C’est une amie qui l’a sorti de cette violence. Mais dans ses derniers jours, ma grand-mère l’appelait quand même, des décennies plus tard.

Dans mon cas, j’avais peur, mais l’abus n’était pas physique. Quand qu’on était stressé, et isolé pendant la Covid, il devenait parfois insultant. Il avait des exigences sur mes façons de faire, comme laver la vaisselle. Il n’aimait pas ma façon et il disait que c’étaient ses vaisselles aussi alors il avait le droit de s’attendre que je le rende heureux.

Il était pire dans nos arguments. Il me disait que je n’étais pas bonne dans ce que je faisais. La vaisselle, les repas, la maison.

J’essayais toujours de calmer la situation. Mais une fois je n’en pouvais plus. Je me suis levée de la table et je suis allée à la salle de bain pour m’en sortir. J’ai claqué la porte. Il m’a suivi. « Si tu veux qu’on se batte, je casserai cette chaise sur ta tête », qu’il a dit dans ma face.

Il ne m’a pas touché, mais ça a brisé quelque chose en moi. Je me suis évadée dans l’autre pièce, et j’ai pleuré. Il est venu me voir éventuellement pour s’excuser et essayer de me réconforter.

On a essayé de réparer. On est allé en thérapie de couple. Il y avait une bonne partie de moi qui voulait me convaincre qu’on pouvait passer à travers. Même dans ces situations, on veut voir le bon dans l’autre. On veut rester accrochée sur le rêve, croire qu’il arrêtera, qu’on peut toujours être heureuse, qu’on peut tolérer un mauvais côté de l’autre de temps en temps.

Peut-être il y en a qui peuvent. Et pas seulement les femmes. J’ai vu des femmes être assez sales envers leurs conjoints. Mais ils restent ensemble. Je me demande comment qu’on peut savoir où mettre la limite.

Dans mon cas, c’était quand il m’a sérieusement menacé. On était dans un autre argument, peut-être un an plus tard. J’ai répondu à ses insultes. Il n’aimait pas ça. Il s’est levé et m’a dit, « Si jamais tu me parles encore de même, tu vas le regretter ! » J’ai demandé ce qu’il voulait dire, et il m’a seulement dit : « Tu vas voir ! ».

Ça m’a fait peur. Mais j’étais capable de savoir que je ne voulais pas vivre avec ça, j’étais capable de lui dire que je voulais qu’on se sépare. Il a reconnu qu’il est allé trop loin et quelques jours plus tard, il s’est excusé pour ses insultes. Mais pas pour la menace. Nous nous sommes séparés quelques mois plus tard.

J’étais chanceuse de m’en sortir sans violence physique. Mais les blessures au cœur prennent beaucoup de temps à guérir, et j’ai de misère à faire confiance aujourd’hui.

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