Âgée de 67 ans, Lise Pratte vient tout juste de décrocher un doctorat en éducation. Pour l’avocate de profession, il s’agissait d’un rêve en même temps qu’une contribution pour les jeunes.
Avant d’arriver à l’âge de la retraite, Lise Pratte avait en tête quelques projets d’après-carrière. L’un d’eux était la vie à la campagne entourée de poules et d’érables. Ce rêve, elle l’a réalisé avec le Domaine Nature L & M, situé à La Patrie. Elle y vit avec son conjoint Michel, le M dans L & M. Le couple y accueille les visiteurs en offrant hébergement, produits de la ferme et pêche en étang. Se décrivant comme une femme d’action aimant apprendre, la docteure en éducation s’est vite rendue à l’évidence que la retraite devrait attendre. C’est en retraçant son parcours que fermette, Barreau et doctorat prennent leur sens ensemble.
Dans un premier temps, il faut savoir que Lise Pratte adore lire. « Lire, c’est comme manger », considère-t-elle. Et si l’on se fie à sa thèse de doctorat de 400 pages, Mme Pratte a grand appétit. Après son baccalauréat et son passage du Barreau, celle-ci débute à la Commission d’enquête sur les coûts des installations des Jeux olympiques de 1976 à Montréal. Elle fut la reporter des commissaires, soit « les yeux et la voix de tout ce qui se passait » dans les coulisses de la commission Malouf. « Je découvrais des termes d’ingénierie et de marketing. C’était fascinant », se remémore l’avocate.
Suite à la publication du rapport Malouf en 1980, Lise Pratte, grâce à ses nouveaux contacts, reçoit une offre pour le poste de secrétaire générale adjointe chez Imasco, maintenant Imperial Tobacco Canada. Elle entame, les soirs et fins de semaine, un MBA en ressources humaines et finances. Comme travail final, elle fait d’ailleurs une analyse de l’entreprise pour laquelle elle travaille. Elle émet des recommandations qui, sans être prises en considération par l’administration sur le coup, vont s’avérer être justes quelques années plus tard, alors que la compagnie se départira de certains secteurs moins rentables.
C’est à ce moment qu’un chasseur de têtes approche Lise Pratte pour lui proposer le secrétariat général chez Bombardier. Nous sommes en 1988 et la compagnie de Valcourt vient de se porter acquéreuse de Canadair. Dans un souci d’efficacité, Mme Pratte introduit les ordinateurs dans le bureau et crée une petite commotion. De cette période de cinq ans, elle garde le souvenir d’une grande effervescence alors que la compagnie procédait à l’achat d’une entreprise en moyenne chaque mois dans le monde.
Alors que Lise Pratte a la mi-quarantaine, une de ses amies proches est victime d’un AVC. De plus, une de ses voisines d’immeuble tombe en dépression. Dans les deux cas, la vie professionnelle intense serait en cause. Cela fait réfléchir Mme Pratte qui jouit désormais d’une expérience enviable. Elle peut de plus en plus choisir les gens avec qui elle travaille et affirmer son caractère indépendant. Elle prend conscience qu’elle n’aime pas être liée à une compagnie et que, à ses yeux, les relations humaines priment devant les profits.
Lise Pratte fait donc un virage vers le milieu éducationnel en œuvrant pour une commission scolaire. Elle conserve de son passage dans le milieu corporatif un intérêt pour le démarrage d’entreprises. Au fil des ans, elle porte plusieurs chapeaux en tant que formatrice, coach, mentore et conférencière ce qui l’amènera à participer à la mise sur pied d’environ 500 entreprises.
Elle effectue entretemps un retour sur les bancs d’école pour se perfectionner dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Elle y fait la connaissance d’une professeure féministe, très proche de ses valeurs. C’est suite à cette rencontre que l’idée d’un diplôme universitaire de deuxième cycle commence à germer dans l’esprit de Lise Pratte. Celle-ci ne fera toutefois pas les choses de manière conventionnelle. Au lieu d’être une chercheuse académique, elle tient à être sur le terrain, en contact avec les gens. Sa maitrise en éducation, suivie huit ans plus tard d’un doctorat, est une forme de contribution. Elle souhaite tout d’abord mettre de l’avant l’histoire des jeunes. Mme Pratte veut que ceux « qui ne l’ont pas eu facile, les poqués, en viennent à croire en leurs capacités. » C’est une problématique qu’elle a souvent constatée chez les jeunes filles à qui « on n’a pas toujours appris à se valoriser. »
Même si Lise Pratte s’était juré d’en avoir fini avec les études après sa maitrise, le désir d’encourager la diplomation et l’insertion des jeunes adultes a eu le dessus. Elle atteint ainsi deux buts: la création d’une certaine forme de richesse et, de manière plus importante, porter une mission sociale. C’est pour la même raison que, même si elle ne pratique plus le métier d’avocat, Mme Pratte offre du temps comme recherchiste juridique au cabinet Blais de Lac-Mégantic. « C’est ma façon de contribuer à la communauté après la tragédie. »