L’Érablière Gaudreau de Scotstown subissait sa seconde saisie de sirop d’érable de 2018 au début du mois. L’intervention avait été ordonnée par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) et est la plus récente d’une série qui a débuté en 2014. Le couple Gaudreau-Bombardier parle d’abus et souhaite la fin de l’emprise de la Fédération.
« L’an passé, les huissiers sont venus 39 fois », relate Daniel Gaudreau. « Juste pour notre dossier, la Fédération a dû dépenser au-dessus d’un demi-million. On a cinq pages de punitifs à la cour de Sherbrooke. J’ai pas de dossier criminel et je suis jamais allé en cour de ma vie, à part pour le sirop d’érable. »
Le matin de la saisie du 3 avril à l’Érablière Gaudreau, la FPAQ a diffusé par voie de communiqué les détails de son intervention. On reproche au couple d’acériculteurs d’avoir produit une quantité de sirop supérieure au contingent, ou quota, qui leur est alloué. En octobre dernier, la Fédération a obtenu gain de cause contre les Gaudreau-Bombardier auprès de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Les défendeurs doivent 280 000 $ en pénalités et dommages auprès de la FPAQ.
L’appui du public
« Pour eux, c’est personnel », déplore M. Gaudreau. « Ils veulent nous faire fermer parce qu’on leur fait mal à quelque part. » Le couple, aussi formé de Nathalie Bombardier, reçoit de plus en plus d’attentions suite aux nombreuses entrevues dont il a été l’objet au fil du temps. Le groupe Facebook J’exige l’arrêt des procédures contre les acériculteurs compte 3500 membres.
La Fédération affirme que l’Érablière Gaudreau est « la seule ferme québécoise visée par ce type d’intervention. Il s’agit d’une mesure […] exceptionnelle […] qui demande à ces producteurs […] de respecter les règles que suivent la très grande majorité des acériculteurs québécois ». « On est loin d’être les seuls », rétorque Daniel Gaudreau. Simon Trépanier, directeur général de la FPAQ, a admis que 250 ententes hors cour ont été conclues avec des acériculteurs depuis les trois dernières années lors d’une entrevue radiophonique avec Martin Pelletier au 107,7 FM Estrie au début du mois. M. Gaudreau poursuit : « Environ 80-90 % des producteurs sont en faute, puis je suis bien conservateur. Ils n’ont pas le choix de passer à côté pour être capables de faire les paiements et faire manger leur famille. »
À la veille de la saison des sucres 2018, l’Institut économique de Montréal (IEDM) publiait une note intitulée Sirop d’érable : Québec nuit à ses producteurs et encourage ses concurrents. On y apprenait que « la dernière récolte complètement vendue remonte à 2009 [et que] environ 5 % des récoltes de sirop en vrac entre 2010 et 2016 n’avaient toujours pas été payées en date du 5 février 2018 », alors que le taux monte à 44,8 % pour celles de 2017. « Il n’y a pas une entreprise qui peut supporter de ne pas être payé un certain pourcentage depuis 2010 ! », s’insurge le producteur acéricole.
Un conflit qui s’étire
Lors de la saison 2015, une entente entre l’érablière et la FPAQ avait nommé le couple Gaudreau-Bombardier « gardiens de leur sirop d’érable [ce] qui leur permettait de conserver sur leur propriété les barils de sirop d’érable qu’ils produisaient pour en faire la vente au détail, directement au consommateur ». En janvier dernier, « devant des preuves concrètes » de non-respect de l’entente, la Fédération a procédé à un « changement de gardien des barils ». C’est par « souci d’équité envers l’ensemble des producteurs acéricoles » qu’elle s’est vue contrainte d’intervenir cette fois, comme l’Érablière Gaudreau « écoule la plus grande partie de son sirop par des intermédiaires. »
Nathalie Bombardier nuance : « Nous, le moyen qu’on a trouvé, c’est de fournir notre clientèle en petits contenants. On vend dans des supermarchés. C’est ça qui est grave. C’est un non-sens. On n’est pas des criminels, mais on est traités tout comme. »
La FPAQ affirme que « plusieurs solutions ont été proposées » au couple d’acériculteurs, dont l’augmentation de leur contingent via un volet d’agrandissement. « Mais ils ont refusé de participer à ce volet. » Mme Bombardier se remémore bien son entretien avec Sylvain Bernier, coordonnateur à la réglementation de la Fédération. « Il dit : “Réglez à 400 000 $. Avec ça, on règle toutes les années, puis on repart à 0. Mais je vous garantis pas du contingent. Si vous ne le payez pas, vous êtes en litige et vous n’avez accès à aucun contingent, même si vous en faites la demande.” » Nathalie Bombardier se désole de cette limitation. « Tous les producteurs hors Québec peuvent venir vendre ici en quantité illimitée sans payer de contingent, sans être une personne qui contribue au Québec en payant des taxes et en contribuant à l’économie locale. »