Antitechnocrate à s’en confesser, Gaston Michaud est convaincu que la solution au développement local « se trouve dans les communautés qui se prennent en charge. » C’est du moins l’essentiel du message livré lors d’une récente conférence tenue à la Place Auckland de Saint-Isidore-de-Clifton, à laquelle participaient une douzaine de personnes.
« Je suis très antitechnocrate, mentionne-t-il en entrevue. Faire du développement local, c’est pas évident. On est isolé par tous les pouvoirs. On est toujours aux mains des technocrates. Quand un technocrate intervient dans une communauté, t’es sûr qu’il y aura pas de communauté. Parce que lui, son premier rôle, c’est de montrer que les autres ne savent rien et que lui sait tout. Aussitôt qu’ils apparaissent, on est déphasé, on est pu bon à rien. On sait pu rien parce que juste lui le sait. L’avenir est foutu. Alors que quand tu rassembles tes forces dans le milieu, surtout dans des tâches relativement simples comme construire le marché, tu peux y arriver », d’exprimer d’un ton tranchant le conférencier.
M. Michaud s’inspire de la coopérative d’habitation pour personnes âgées de 75 ans et plus, La Brunante, à Racine, et à laquelle il a participé pour appuyer son propos. Les forces du milieu doivent être mises à profit, explique-t-il. « La Brunante est partie d’une réunion de caisse populaire. On faisait parler les membres sur quoi ils aimeraient que le conseil d’administration travaille. La population voulait une résidence pour personnes âgées, une maison qui appartiendrait à la population. La décision a été prise collectivement. On a créé une coopérative de solidarité avec des membres et des membres auxiliaires. On a amassé 150 000 $ pour une population de 1 000 personnes. On a eu notre 15 % que le gouvernement exigeait. Ça a pris six ans, mais on y est arrivé. Notre modèle existait pas nulle part au Québec. »
L’homme de 82 ans, qui a effectué une carrière de travailleur social, dispose d’une feuille de route impressionnante, s’échelonnant sur plus de 45 années d’expérience. L’expertise de l’invité est reconnue à l’échelle provinciale et plus. M. Michaud s’est vu attribuer en 2014 la Médaille du Lieutenant-gouverneur pour les aînés. D’ailleurs, il s’est inspiré de son vécu pour rédiger son livre La Lumière de la Terre, lancé il y a quelques années. M. Michaud ne dit pas qu’il a la solution au développement local, mais savoir reconnaître les forces du milieu et les mettre à contribution contribue au succès, laisse-t-il entendre. Il rappelle l’époque où il était vicaire pendant une dizaine d’années dans un quartier pauvre de Montréal. Souhaitant aider son milieu « je me sentais totalement impuissant. Je me suis dit, je suis pas capable d’aider quelqu’un si je suis pas capable de le connaître. J’ai rencontré les gens, j’ai discuté avec eux et j’ai découvert des ressources. Je ne voyais plus les gens comme des pitoyables, mais comme des capacités. Il faut toujours penser à faire le mieux avec ce qui existe autour. J’ai essayé de découvrir chez les individus, observer ce qui est bon et instructif. Découvrir ce qui est bon dans les gens et amener à les mettre en valeur. Il faut faire attention aux personnes et les respecter. Ensemble, on peut bâtir le monde », de lancer M. Michaud.
« Si on découvre les capacités d’un individu et qu’on lui dit : viens m’aider, il devient un partenaire. Quand on aborde les gens à partir de ce qu’ils peuvent offrir, ils refusent rarement. Le fait de créer de l’entraide, c’est extraordinaire. Ensemble, quand les gens travaillent fort 2 + 2 peut donner 6. Le déclic de l’entraide devient partenaire, c’est magique », d’exprimer le conférencier.
Pour M. Michaud, le mot charité est à proscrire pour le remplacer par le terme partenaire. À La Brunante, explique-t-il, chaque personne a des compétences et peut aider à sa façon. La prise en charge des résidants fait en sorte que le coût du loyer est demeuré stable depuis 15 ans. « La coopération est un antidote au vieillissement. Les gens sont actifs dans les bras, dans la tête. On fait une liste de tâches à faire et si quelqu’un ne peut pas, on la confie au concierge. Le fait d’être utile n’est pas un fardeau, mais une responsabilité valorisante », soutient-il.
M. Michaud mentionne que La Brunante est devenue un lieu de rencontre où on y retrouve une dynamique, des échanges et des rires. « Ça prend un lieu facilement accessible. Avec les échanges, se développe une intelligence collective. Si vous voulez de la coopération, faites des échanges. La coopération signifie l’organisation. Changer le monde n’est pas une utopie. Ça se fait par l’entraide. Dans ma vie, ce sont les gens que j’ai rencontrés qui m’ont apporté quelque chose. Il faut travailler avec tous les gens dans la communauté et remplacer le mot bénévolat par entraide. Un partenariat, ça change le monde », de compléter M. Michaud.