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Démystifier la transidentité : Deux femmes trans du Haut s’expriment

Rosalie Bilodeau HSF

Rosalie Bilodeau a eu un parcours difficile pour sa transition, mais assume maintenant bien sa transidentité.

Le thème de la Journée internationale des droits des femmes pour l’année 2021 est Écoutons les femmes. Toutefois, qu’en est-il des femmes transgenres ? Se sentent-elles incluses dans les événements dédiés à la gent féminine, sont-elles écoutées ? L’avis est partagé et le sujet encore tabou, mais de plus en plus abordé. Les personnes trans s’affirment de plus en plus, et ce, non seulement dans les grandes métropoles. Des citoyennes trans de la MRC du Haut-Saint-François tiennent à se faire entendre au même titre que les femmes cisgenres.

Une personne transgenre est une personne dont l’expression de genre et/ou d’identité de genre s’écarte des attentes traditionnelles reposant sur le sexe assigné à la naissance. « Tu ne deviens pas trans. Tu nais trans. C’est juste que ça peut prendre bien des années, comme il y a que ça peut sortir bien jeune », explique Rosalie Bilodeau, femme trans résidant dans le HSF. Son parcours vers la transition n’a pas été simple. Ayant grandi dans une famille aux valeurs traditionnelles, celle qui se prénommait Kevin ne s’est jamais sentie bien dans le corps qu’elle a reçu à la naissance. « Je suis trans depuis 2007, cachée, parce que ce n’est pas accepté dans ma famille », exprime-t-elle. C’est vers l’âge de 15 ans qu’elle a réalisé les raisons de son mal-être, mais ne l’a assumé qu’à l’âge adulte. Certaines femmes transgenres gardent des traits physiques plus masculins, comme c’est le cas de Mme Bilodeau. Selon elle, cette caractéristique rend l’acceptation dans la société plus difficile. Cependant, au cours des dernières années, des scientifiques ont découvert qu’il n’existait pas seulement deux sexes différents, mais 48. Autrement dit entre une personne dite 100 % homme et une autre 100 % femme, il existe environ 46 intersexuations. Ainsi, chaque personne serait constituée entre 10 et 40 % des marqueurs biologiques de l’autre sexe. « Personnellement, je n’ai jamais eu des traits très masculins », affirme Alexia, femme trans résidant dans le HSF. Son histoire diffère beaucoup de celle de Mme Bilodeau, puisqu’elle s’estime chanceuse d’avoir été bien entourée par une famille compréhensive. Selon elle, ses proches s’en doutaient depuis longtemps puisque même bébé, elle exprimait un malaise avec son sexe masculin. Son coming out s’est toutefois fait à l’âge adulte également où elle a commencé à prendre les hormones pour entamer sa transition. Celle-ci s’est terminée il y a deux ans avec sa vaginoplastie.
Les relations sociales peuvent s’avérer difficiles pour les personnes trans puisque beaucoup vivent de la discrimination et de l’intimidation. Mme Bilodeau en vit régulièrement en se faisant refuser l’accès à certains établissements en raison de son genre. « Je me suis fait un gros mur. Tout ce qui est haine s’arrête là. Je me vire de bord et je m’en vais », explique celle qui refuse de se laisser abattre par ce genre de comportement. Si pour Alexia, trouver un emploi et avoir des collègues compréhensifs n’a pas été difficile, ce n’est pas le cas de toutes. Pour Mme Bilodeau, dont le domaine d’expertise est l’agriculture, les préjugés demeurent présents. « C’est difficile parce que le fait que tu dis que tu es trans, ça fonctionne pas. Le monde ne veut pas en engager », exprime celle qui croit que c’est la peur d’être jugé qui pousse les gens à agir de la sorte. Toutefois, comme les spécialistes l’expliquent, le transgénisme n’est pas une maladie, cela n’est pas contagieux et ne se transmet pas aux enfants, tout comme il ne s’agit pas d’un effet de mode.

Vivre en région rurale peut paraître plus difficile pour ces femmes, mais Alexia affirme n’avoir jamais eu de difficulté à vivre sa transition dans le HSF. Il en est de même pour Mme Bilodeau, mais elle croit néanmoins que si les gens font des commentaires négatifs, ce ne sera pas devant elle. L’endroit n’est donc vraiment pas ce qu’elles ont trouvé le plus difficile au cours des dernières années. Pour Alexia, c’est le temps d’attente pour les opérations et le changement de nom sur ses documents. Étant physiquement devenue une femme et se faire appeler par un prénom masculin restait difficile pour elle. Pour Mme Bilodeau, c’est de perdre ses proches, de voir ceux qu’elle aimait la renier, qu’elle a eu du mal à supporter.

Françoise Susset, présidente de l’Association canadienne des professionnels de la santé transsexuelle, expliquait lors d’une entrevue dans un média que les recherches penchent vraiment dans le sens d’explications biologiques plutôt que vers des facteurs extérieurs comme l’influence parentale. Comme Alexia le mentionnait, dans le ventre de la mère, le sexe du bébé se développe avant le cerveau, alors y a-t-il un lien à y faire ? Elle croit donc que la transsexualité pourrait se développer avant même la naissance. Mme Susset rappelle également qu’il s’agit d’un problème médical et non mental puisque le traitement n’est pas une psychothérapie, mais une modification du corps par les hormones et des opérations. Bien sûr, des problèmes tels que l’anxiété et la dépression peuvent apparaître.
Pour les deux femmes, la population se doit d’être davantage sensibilisée, tout comme elle a dû l’être pour l’homosexualité. « Je suis la même personne à l’intérieur, que je sois un homme ou une femme. C’est juste que j’ai appris à m’aimer et j’ai réalisé que je n’étais pas dans le bon corps », exprime Mme Bilodeau. Selon Alexia, les émissions télévisées sur la transidentité aident beaucoup à ouvrir l’esprit des gens. « Je n’ai jamais été aussi bien que depuis mon opération. Au final, on reste des humains comme tout le monde. On a décidé de faire les pas pour être bien avec nous-mêmes », mentionne-t-elle.

Selon des études, plus de 40 % des personnes transgenres font une tentative de suicide et malheureusement, plus de la moitié perdent la vie. Au Canada, 0,24 %, soit environ 75 000 personnes, sont déclarées transgenres. Rappelons également que depuis 2020, le Centre des Femmes du HSF, La Passerelle, est inclusif aux femmes trans, cisgenres, non-binaires, LGBT et les personnes en questionnement de genre.

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