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Homme de démesure : Grégoire Ferland, un touche-à-tout artistique

Grégoire Ferland

Les peintures de Grégoire Ferland surprennent par leurs grandes dimensions, comme s’il lui fallait insister, s’exprimer fort et avec des couleurs vives dans la voix. À voir chez lui, à son atelier de la rue Saint-Jacques, à East Angus.

Vouloir décrire un artiste comme Grégoire Ferland, par où faut-il commencer ? Il n’y a pas de manuel d’instructions, car l’homme semble échapper à toute caractérisation, comme hors norme. L’idéal ne sera qu’un survol, sans que cela soit un concept ni un défi.
Il était possible d’en découvrir un peu plus sur les multiples facettes artistiques de l’artiste lors de la récente exposition et son lancement de livre présentés le samedi 23 septembre dernier à son atelier du 164 rue Saint-Jacques, à East Angus.
Premièrement, ses peintures se démarquent toutes par leurs tailles démesurées, par leurs couleurs plus qu’intenses et par l’usage exagéré des techniques mixtes des matériaux, soit les objets ajoutés presque systématiquement à toutes ses œuvres.
Deuxièmement, l’artiste semble sans limites, laissant l’expression de ses actions et performances prendre plusieurs canaux, la sculpture incidemment, la peinture, la performance, le langage, les livres de poésie, tout sent bon la vie et le dynamisme. Mais la meilleure façon de lui rendre justice, laissons-le s’exprimer le temps d’un paragraphe : « Besoin de produire aux regards une représentation, une conception née de l’esprit, de la manifester comme son œuvre propre ; de même que dans le langage. Communiquer ses pensées et les faire comprendre à ses semblables, la matière offre à l’artiste l’occasion, le prétexte, le lieu de l’exercice de la pensée, qui communique son élan à la main qui sculpte, dessine, écrit et donc laisse ses traces », cite l’affichette d’introduction à cette exposition et au lancement de livre, sur place.
Le lancement de son recueil de poésie à compte d’auteur, qui s’intitule Des secondes dans l’univers, interpelle et interroge, surprenant avec son montage réalisé par l’auteur, une réelle performance en elle-même avec ses nombreuses reproductions de toiles en couleurs en pages de gauche, et ses poèmes lucides et évocateurs en pages de droite, des suites vivantes à lire et relire.
« Ce sont des réflexions à propos de l’univers et le temps, et de notre appartenance à l’univers. Nous sur la terre, on en fait partie, comme humains on regarde par terre… L’univers et l’humain, c’est comme la vie et la mort », évoque-t-il.
Dans le passé, Grégoire Ferland a aussi publié deux recueils de poèmes aux éditions Alea Poetik, le premier s’intitulant L’âme ne dort pas, en 2017, et le deuxième Flamme allumée dans la neige, en 2018. L’entreprise Alea Poetik n’existe malheureusement plus.
Grégoire Ferland avait été décrit, en 2012, comme « un phénomène underground au Québec », termes bien choisis, par la revue Vie des Arts. Il semble ne jamais avoir bénéficié, comme sculpteur, d’une reconnaissance quelconque par les musées ni par la culture des galeries publiques de la province, malgré une production d’œuvres fortes au fil des ans.
Tôt dans sa carrière artistique, il a pourtant fourni des performances de sculpteur avec le percussionniste Guy Nadon, sur des plaques de métal, à Montréal, aux Foufounes électriques, en 1988, et à la Galerie Optica, en 1989. Par la suite, il s’est établi successivement en Colombie, en Amérique du Sud, où il a vécu près d’une dizaine d’années, puis au Mexique, à New York et au Canada, à nouveau à Montréal et enfin à East Angus. Un parcours de vie qui l’a façonné, donnant aussi comme résultat son exposition de sculptures de métal et de textiles noirs, Tegumentum, découverte en 2012 à East Angus, dans l’ancienne église qu’il avait trouvée pour établir son atelier.
« J’ai fait mes débuts à 18 ans, à Montréal, mon côté artistique s’est forgé en fréquentant des artistes connus dans les cafés, alors que je travaillais le soir à l’École des Beaux-Arts. J’aimais faire du métal ma matière principale, mais ça prenait des outils, un local. J’ai acheté une forge, d’un forgeron qui m’a montré son métier, soit souder des métaux au marteau. Mais ça prend du métal de qualité pour que deux morceaux de métal fusionnent. C’est la base. J’ai découvert que la Vie t’organise. À Montréal, j’étais coincé dans mon studio où j’avais un trop gros inventaire. J’ai été chanceux de trouver cette église à vendre, en 2006 à East Angus, qui correspondait exactement à tous mes besoins. Je pouvais en faire ma maison, mon atelier, ma salle d’exposition. C’était inespéré ! », s’exclame-t-il, encore ravi.
Grégoire Ferland, un artiste facile d’accueil, à découvrir chez lui, à son atelier, dans une exposition remplie de démesure et de surprenantes performances.

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